Les filles n’aiment pas les souris

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Les études d’informatique n’attirent pas les jeunes femmes. Dommage, car il y a de nombreux postes à pourvoir…

Où sont les femmes ?  » s’interrogeait un chanteur dans les années 1970. Pas sur les bancs des universités qui enseignent l’informatique, en tout cas. Selon les chiffres du Cref (Conseil des recteurs des universités francophones de Belgique), on comptait, pour l’année 2008-2009, 155 étudiants en dernière année de master en sciences informatiques, dont 10 seulement étaient des étudiantes. Dans la filière des ingénieurs civils informaticiens, il n’y avait que 4 filles parmi les 24 inscrits.

De nombreuses entreprises sont pourtant prêtes à leur ouvrir les bras. Rien qu’en Région wallonne, il faudrait idéalement 1 500 nouveaux informaticiens chaque année. Or les étudiants en informatique issus de l’université et ceux que forment les Hautes Ecoles et d’autres organismes comme le Forem ne sont pas plus de 1 000 par an.  » Pour l’économie wallonne, cette pénurie est pénalisante, assure Gilbert Wauthier, chargé de mission chez Agoria, la fédération des entreprises technologiques. D’ailleurs, de 2 000 à 3 000 informaticiens étrangers travaillent en Belgique précisément pour combler ce manque.  » Aujourd’hui, faute de pouvoir recruter les profils nécessaires, certains projets de développement sont bloqués.

 » La situation est catastrophique, soupire Vincent Englebert, docteur en sciences informatiques et professeur aux Facultés Notre-Dame de la Paix (FUNDP), à Namur. Au point que nous éprouvons toutes les peines du monde, désormais, à trouver des candidats chercheurs à engager…  » Les filles, sur lesquelles certains espoirs s’étaient portés pour prendre le relais des garçons, ne nourrissent guère d’ambition informatique. Le même constat est dressé ailleurs en Europe, aux Etats-Unis et au Canada. En revanche, en Malaisie, les filières informatiques au sein des facultés universitaires attirent jusqu’à 65 % de filles.

Comment expliquer ce désintérêt des filles pour la filière informatique ?  » Il y a probablement un biais induit dans le milieu familial, dès l’enfance « , avance Vincent Englebert. Ainsi, selon une étude réalisée en France, 70 % des parents imaginent leur fils suivre la voie scientifique, pour 45 % seulement quand on les interroge sur l’avenir professionnel de leur fille. En outre, il est difficile pour les jeunes filles de trouver des référents féminins dans ce milieu, les médias n’ayant d’yeux que pour les Steve Jobs, patron d’Apple, et autres Bill Gates (Microsoft).

Blafards et mal nourrisà

Ces mêmes médias continuent en outre à diffuser une image de l’informaticien type qui a de quoi faire peur, notamment aux candidates potentielles : un jeune boutonneux, blafard et mal nourri à force de passer des heures devant son écran en avalant des chips. Et l’idée qu’un informaticien soit taillable et corvéable à merci n’arrange rien.

 » Enfin, la perception que l’on a de l’ordinateur, dans la société, reste très technique, souligne Vincent Englebert. Or, avant de résoudre techniquement le problème rencontré par un client, il faut l’écouter, cerner la difficulté, négocier, poser les bonnes questions et être capable de mener le débat de façon pertinente. Autant de compétences dont les filles font la preuve. Au total, un projet est constitué de 70 à 80 % de temps consacré, en réunion, à comprendre le problème du client, et de 20 à 30 % à du développement technologique pur. « 

Les filles qui se lancent dans des études d’informatique réussissent d’ailleurs mieux, en moyenne, que les garçons : en 2007-2008, dans les deux premières années de sciences informatiques, elles étaient 64 % à avoir réussi, contre 42 % parmi les garçons.

LAURENCE VAN RUYMBEKE

Les médias n’ont d’yeux que pour les Steve Jobs et autres bill gates

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