» Les Etats-Unis ont commis une faute « 

Rencontre avec Hans Blix, ancien chef des inspecteurs de l’ONU, qui publie Irak, les armes introuvables (Fayard)

Les Etats-Unis sont entrés en guerre pour neutraliser des armes qui n’existaient pasà S’agit-il d’une erreur ou d’une faute ?

C’est une faute. Les Etats-Unis auraient pu avancer d’autres raisons pour cette offensive. Mais ils ont estimé que cette menace des armes de destruction massive convaincrait mieux le Congrès américain et le Parlement britannique que s’ils évoquaient, par exemple, la nécessité de renverser la terrible dictature de Saddam Hussein.

Vous et vos équipes d’inspecteurs, gardez-vous une certaine amertume après cette mission où les dés étaient pipés ?

Amertume, non ; déception, oui. Car les Américains et les Britanniques ont préféré faire confiance aux informations avancées par leurs services de renseignement qu’à celles contenues dans nos rapports. On m’a dit que mes conversations téléphoniques étaient sur écoutes. Si c’est vrai, j’aurais préféré que les services de renseignement prêtent une oreille plus attentive à ce que je disais à l’époque !

A aucun moment vous n’avez eu le sentiment d’être manipulé ?

Ils n’ont pas pu nous manipuler ! Il y a bien eu ce jour où le sous-secrétaire d’Etat américain, énervé, a jeté sur mon bureau des photos satellites en s’exclamant :  » Pourquoi n’avez-vous pas parlé de cela dans votre rapport au Conseil de sécurité ?  » Je lui ai calmement répondu que nous étions en train d’enquêter sur ce type d’informations, mais que rien ne prouvait jusqu’à présent qu’il s’agissait d’armes de destruction massive.

L’Irak est en plein chaos, les attentats terroristes se multiplient… La situation au Moyen-Orient n’est-elle pas pire aujourd’hui qu’avant la guerre ?

Ce qui est positif, c’est qu’un régime sanguinaire a disparu. Mais il y a beaucoup de points négatifs si l’on fait le bilan de cette intervention. La situation du Moyen-Orient, dont les idéologues américains espéraient redessiner la carte pour y ramener la paix, est extrêmement préoccupante, et leur projet paraît n’avoir été qu’un rêve.

La lutte contre le terrorisme risque-t-elle d’amener les Etats-Unis à commettre de nouveaux faux pas ?

Cette guerre en Irak, la façon dont on l’a menée, a été, nous l’avons dit, une faute. Mais les Américains ont déjà tiré, j’en suis sûr, un enseignement de ce faux pas. Ils ont compris que l’aval du Conseil de sécurité était quelque chose d’essentiel et que le manque de légitimité de cette guerre a choqué la communauté internationale. Bref, l’administration Bush a découvert les vertus du multilatéralisme. George Bush père, en tout cas, avait fini par comprendre les limites de l’unilatéralisme, et j’espère que son fils fera de même.

Entretien : Alain Louyot

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