» Les Diables Rouges sont un exemple pour tous «
Le sénateur MR, Premier échevin de la Ville de Bruxelles, vante les vertus d’un multiculturalisme assumé que d’autres critiquent au sein de son parti. Sa priorité : l’enseignement. Il prône sa régionalisation pour profiter des richesses de Bruxelles.
Sénateur, Premier échevin de la Ville de Bruxelles en charge de l’Etat civil et des Sports, Alain Courtois est une personnalité singulière au MR. En cette rentrée, l’ancien secrétaire général de l’Union belge de football trouve son inspiration dans notre équipe nationale. » J’ai toujours dit que nous avions besoin d’un ministre du marketing dans notre pays qui se vend trop mal et les Diables Rouges jouent ce rôle aujourd’hui. Je suis sûr que cela peut avoir un impact sur les élections de 2014, assène-t-il. Si l’on se qualifie pour la Coupe du monde au Brésil, toute la campagne électorale sera marquée par la Diablomania. »
Le Vif/L’Express : En quoi les Diables rouges vous inspirent-ils ?
Alain Courtois : Avec eux, le sport nous donne la leçon. Il a réussi son intégration, son amalgame de multiculturalité, d’absence de classes sociales. J’aime cette équipe nationale parce qu’elle est composée de gars qui viennent des quartiers, qui ont fait leurs classes sportives ici. Ce que le sport fait, les autres branches de la société peuvent le faire.
Le sport montre la voie parce qu’il y a du talent…
Parce qu’il y a du travail aussi. Parce que des entraîneurs ont compris que l’intégration passe par là. Quand Michel D’Hooghe et moi sommes arrivés à la fédération de football en 1987, il y avait encore des instructions aux scouts, ces chasseurs de talent, disant : pas d’étrangers !
Pour éclater vraiment, les talents belges ont dû s’exporter à l’étranger…
Parce qu’il n’y a pas ici d’infrastructures sportives dignes de ce nom. Nous manquons d’ambition. Nous n’avons qu’un stade national, qui vit sous dérogation de l’Union européenne de football (UEFA) – et je signale à tout le monde que celle-ci est terminée l’année prochaine. Sans nouveau projet clair, où ira jouer la sixième équipe au monde ? En France ? Même chose pour le hockey ! On va me dire d’aller jouer dans le bac à sable avec mes problèmes de sport ? Je constate quand même que lors du match contre la Serbie, tous les politiques étaient là. Quand Henin et Clijsters jouaient en finale à Roland-Garros, le TGV portait parfaitement son nom : » Tout le Gouvernement Va « . Ce que je demande, c’est qu’ils soient là aussi lorsqu’il s’agit de prendre des décisions.
Le seul moment où l’on en parle du sport, c’est quand on rentre des Jeux olympiques et que l’on n’a pratiquement pas de médaille. Je ne suis pas un acharné des médailles, mais je veux une vision politique. Je prône le sport pour tous. Je veux mettre un golf public à Neder-over-Hembeek ou développer le hockey partout dans la ville.
La saga chaotique du nouveau Stade national illustre ce manque d’ambition ?
Depuis 1988, je n’ai jamais cessé de le réclamer. S’il n’y avait pas eu l’UEFA, qui met des dates pour l’Euro 2020, ce débat ne serait sans doute jamais venu. Il y a urgence. Ce Stade sera essentiellement financé par le privé. Il y a moins de problème pour trouver le financement que pour s’accorder sur l’emplacement. Si on ne parvient pas à s’entendre, que fera-t-on si un acteur privé prend lui-même l’initiative de le construire pour nous le louer ensuite ? Est-ce une dépense trop onéreuse ? Non. Le secteur public ne doit livrer que le terrain.
C’est cela le noeud : où le construire ?
Moi, je me fous où se trouvera ce stade. Pour le moment, c’est sur le parking C du Heysel. Ok, laissons partir le dossier. Dans le même registre, je m’inquiète de l’état de délabrement du Palais de justice de Bruxelles. Malgré mes demandes répétées à la ministre de la Justice depuis deux ans, on n’avance pas. Et en attendant, on loue des bâtiments temporaires pour douze millions par an. Et regardez l’état du Conservatoire de Bruxelles. La culture, la justice, le sport… : on délaisse des enjeux majeurs.
Pourquoi ?
Je me pose la question. C’est là que l’on montre que nous ne sommes pas un grand pays. A Paris, ce serait impossible !
Bruxelles, capitale du pays, n’est pas aimée de tous.
C’est la capitale de l’Europe. Ce n’est pas toujours facile à porter parce que l’on associe son nom à des décisions impopulaires. Mais ce doit être une fierté, aussi. Nous avons du travail à faire pour qu’elle porte positivement ce statut. Les gros enjeux, ce sont l’enseignement et l’emploi. Quand je vois dans certains quartiers d’Istanbul les gosses dans les écoles avec des tableaux électroniques, je me pose la question : quand aura-t-on cela chez nous ?
Nous, on place des containers dans les cours de récréation pour faire face à la croissance démographique.
Oui, le parallélisme est terrible. On ne donne plus sa chance à tous dès l’âge de 3 ans. Or un enfant défavorisé qui ne reçoit pas de bases scolaires n’arrivera jamais au bout. Je veux que l’on réfléchisse à notre enseignement à l’horizon 2050. Préparons les générations futures !
Je ne vais pas me faire que des amis en le disant, mais je pense sincèrement que l’enseignement des jeunes à Bruxelles est différent que dans les autres Régions du pays. Ici, la maîtrise des langues est capitale. Toutes les institutions internationales sont présentes. Un jeune connaissant l’arabe, l’anglais et l’espagnol trouve un job demain. L’enseignement, ce doit être la priorité absolue !
Vous êtes donc favorable à une régionalisation de l’enseignement ?
Je veux au moins poser la question.
Certains au MR dénoncent les tensions sociales et communautaires. L’enseignement est la réponse ?
C’est l’élément central du vivre- ensemble et de la multiculturalité. Ceux qui ne veulent pas voir ça auront des ghettos à l’envers. Ceux qui critiquent la multiculturalité sont d’ailleurs souvent ceux qui applaudissent l’équipe nationale multiculturelle. Cette multiculturalité dans les grands centres urbains est inéluctable. Bien sûr, il y a des règles à respecter, des cartes jaunes et des cartes rouges. Je suis un ancien procureur, j’ai été au parquet, je sais qu’il faut sanctionner. Mais en ne faisant que cela, on ne résoudra rien.
Faut-il un plan d’urgence ?
Il faut une vraie vision régionale. Cela vaut une concertation entre tous les partis politiques parce que nous sommes tous concernés. Cela vaut un emprunt international pour dégager les moyens. Ce doit être la priorité numéro un, il n’y a plus à sortir de là ! C’est ça ou l’on abandonne tout espoir.
Bruxelles est une marmite sous pression ?
Il ne faut pas exagérer non plus. Si on va au dialogue, on réussit toujours. Je ne suis pas favorable à des solutions trop radicales.
Certains tiennent pourtant des discours durs au sein du MR.
Ah bon ? Je ne sais pas de qui on parle… (rires) Je me méfie des théoriciens, je n’aime pas les discours tout faits. Une fois qu’on a les mains dans le cambouis, on voit les choses différemment. Certains disent que je suis un libéral un peu plus à gauche : ça me va. Je suis accroché aux valeurs du coeur.
Il y a deux candidats ministres-présidents bruxellois au MR, Didier Reynders et Vincent De Wolf. Votre avis ?
Je ne m’en mêle pas. Ce sont des problèmes à court terme, ça s’arrange toujours. Je me fous du capitaine, ce sont les résultats qui comptent et la tactique à adopter. Ce qui me préoccupe, ce sont les enjeux à long terme générés par l’explosion démographique.
Par Olivier Mouton
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici