Les camarades et le compagnon

En butte à l’hostilité du PS, la candidate malheureuse à l’Elysée remet à plat son plan de bataille. Auprès d’elle, un homme prend une importance croissante : son nouvel ami.

A l’heure où les défections se multiplient autour de Ségolène Royal, l’ex-candidate à l’Elysée peut compter sur un renfort discret, dont l’influence se révèle croissante dans la bagarre politique. C’est André Hadjez, son compagnon. Un homme d’affaires de 58 ans.  » Il m’a aidé à concevoir le nouveau site Internet de Désirs d’avenir « , confie Royal. Un site  » simplifié « ,  » plus réactif « , bâti en deux mois et doté d’une rubrique intitulée  » Rétablir la vérité « . Elle est destinée à démentir les rumeurs malveillantes.  » Cette idée, c’est André qui l’a eue, un homme très doué en multimédia et… très amoureux « , glisse Royal.

Mais son rôle est loin de se résumer à quelques conseils et à un appui affectif. Depuis des semaines, Hadjez se démène pour décrocher des fonds. L’argent, c’est le nerf de la guerre en politique. A la mi-juillet, il fait parvenir, via Désirs d’avenir, une facture de 41860 euros, dont Le Vif/L’Express a eu connaissance, à Pierre Bergé. Le patron de la fondation Yves Saint Laurent est, depuis longtemps, le principal soutien financier de Ségolène Royal. On lui demande de bien vouloir régler  » des prestations nouvelles sur le site de Désirs d’avenir « . Trois chantiers sont prévus : la création d’une  » télévision sur Internet diffusant deux heures par jour « , la mise en place d’une  » boutique de vente de produits  » estampillés Désirs d’avenir et l’installation d’une  » arborescence téléphonique surtaxée pour produire des ressources « .

En voyant la note, les services comptables du mécène tiquent. Plusieurs éléments attirent leur attention. Tout d’abord, le prestataire choisi par Désirs d’avenir, l’entreprise Andecom, n’est pas un acteur connu du marché de l’Internet (il ne dispose pas de site). Selon les registres du tribunal de commerce de Paris, cette société vogue à mille lieues du cyberespace. Son objet est  » l’édition, la distribution de livres, de jeux de société, l’édition, la publication de concept audiovisuel, la publicité, l’achat, la vente, l’exploitation des droits et licences liées au nom et à l’image de personnes et de marques « . Et, surtout, ô surprise, son patron se révèle être un certain… André Hadjez ! Un nom qui ne figure pas sur la facture. Du coup, le versement des 41 860 euros, dont le principe était pourtant acquis, est suspendu.

Pierre Bergé était-il au courant que Désirs d’avenir l’avait sollicité pour verser de l’argent à la société du compagnon de Royal ?  » Je n’ai jamais eu connaissance de cette demande, je ne m’occupe pas de suivre chaque dossier « , explique-t-il. Il prend déjà à sa charge les 8 000 euros de loyer mensuel des bureaux de Ségolène Royal, boulevard Raspail, à Paris, ce qu’il continuera de faire jusqu’au printemps 2011 – soit un an avant la prochaine présidentielle, pour des raisons légales. Son collaborateur, Stéphane Chomant, qui gère les relations avec Ségolène Royal, se montre également laconique :  » Tout ce que je peux vous dire est que l’incident est clos et que la page est tournée.  » Interrogé par Le Vif/L’Express, André Hadjez dément dans un premier temps, puis ajoute, sibyllin :  » Je travaille, et quand je travaille, je facture à partir d’un devis. Et quand ce sont des amis, je fais des prix d’ami.  » Il poursuit :  » Ma société est en train de changer d’objet et j’ai moi-même une grande expérience dans le multimédia. « 

Pour l’ex-candidate, cette affaire n’est que  » fond de poubelle « .  » C’est étrange, grince-t-elle, chaque fois que j’avance, on me balance des boules puantes. Un coup, on explique que la maison Royal s’écroule, une autre fois que je suis isolée, ou que Bergé cesse de m’aider. Maintenant, on s’en prend à mon compagnon.  » Pour payer les maquettistes et autres professionnels qui ont bûché sur son site, Royal explique avoir déboursé 20 000 euros, tirés de ses  » honoraires  » reçus à l’occasion de conférences.  » On me met des bâtons dans les roues parce que Désirs d’avenir monte en puissance « , proteste-t-elle. Et de vanter le plateau d’artistes et d’intellectuels réunis pour la seconde édition de la Fête de la fraternité, le 19 septembre, à Montpellier, comme Jean-François Kahn, Ariane Mnouchkine. Et des groupes de musique locaux.

Coïncidence ou pas : l’arrivée d’André Hadjez dans le giron de Désirs d’avenir correspond, en tout cas, à un bouleversement de la stratégie et des équipes. Depuis cet été, c’est une avalanche de départs autour de Royal. Jean-Pierre Mignard, le parrain de deux de ses enfants, a quitté la direction de Désirs d’avenir et prend ses distances. Royal est, par ailleurs, en froid avec le producteur Dominique Besnehard. Elle reproche à celui qui l’accompagna depuis sa défaite à la présidentielle d’avoir critiqué Arnaud Montebourg et Martine Aubry dans un quiz de La Charente libre. L’agent des stars, qui a appris sa disgrâce dans la presse, se dit blessé :  » Je garde à Ségolène mon admiration, mais je trouve que son recadrage était violent. En juillet, elle se montrait encore affectueuse « , raconte Besnehard, qui n’en revient toujours pas. N’avait-il pas lancé cette pique, saluée alors par sa championne :  » C’est plus difficile de bourrer le Zénith que de bourrer les urnes !  » en référence au Printemps des libertés organisé par Martine Aubry dans une salle quasi vide, en mars dernier. Qu’importe, Royal affiche sa sérénité :  » On me disait déjà seule au moment des primaires, et vous connaissez le résultat !  » Au passage, elle annonce l’arrivée dans ses équipes de Béatrice Marre, l’ex-chef de cabinet de François Mitterrand à l’Elysée.

Plus incontrôlable que jamais, incapable de fidéliser son entourage, Royal parvient pourtant – et comme personne au PS – à peser sur le débat public. C’est qu’elle poursuit son face-à-face sans intermédiaire avec l’opinion. Sur la taxe carbone, sur le cumul des mandats ou sur les retraites des mères de famille, elle donne le la. Sa stratégie l’éloigne désormais toujours plus du PS, alors que Martine Aubry instaure les primaires ouvertes, l’encadrement du cumul des mandats, les consultations militantes… Bref, le programme de Royal !  » Ségolène devrait être la dernière à pouvoir se plaindre « , commente Mignard.

Pourtant, elle choisit de souffler le chaud et le froid avec la direction du parti, empêtrée dans les accusations de fraude aux élections internes, après la parution du livre Hold-uPS, arnaques et trahisons (1), censé dévoiler un système de triche en faveur de la maire de Lille. Parallèlement, Royal délaisse son courant au sein du PS, L’Espoir à gauche, qui tombe dans l’escarcelle de son ex-lieutenant Vincent Peillon. Son nouveau dada est ailleurs. Elle veut transformer Désirs d’avenir en ONG internationale :  » Je vais déposer mon dossier dans quelques jours à la Commission européenne.  »

La reine de la démocratie participative slalome sans consulter les adhérents de Désirs d’avenir, dont le nombre est officiellement passé de 10 000 à 6 500.  » Les militants sont dans le questionnement sur l’avenir « , reconnaît Christine Frey, qui coordonne le mouvement à Paris. Royal, qui aime prendre tout le monde à contre-pied, doit maintenant les rassurer. Et les convaincre que le zigzag peut être un art.

(1) Par Antonin André et Karim Rissouli (Ed. du Moment).

Marcelo Wesfreid

son compagnon fait parvenir à Pierre bergé une facture de 41 860 euros

comme personne au ps, royal parvient à peser sur le débat public

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