Les boutonneux de la télé

Jackass, l’émission casse-cou et pipi-caca de MTV, suscite la controverse. Rituel de potaches ? Ou dérive cathodique dangereuse ?

Un téléspectateur averti…  » Ce programme montre des cascades réalisées ou supervisées par des professionnels. MTV et les producteurs recommandent fortement de ne pas tenter de les reproduire.  » Ces précautions d’usage précèdent chaque série d’exploits signés par les déjantés de Jackass. Elles ne découragent pas pour autant les fans les plus abrutis de l’émission phare de la chaîne musicale américaine. Aux Etats-Unis, en particulier, la  » Jackass attitude  » a déjà fait des blessés et même des morts. Mais il ne faut pas aller si loin.

Le 23 février, deux jeunes d’une vingtaine d’années comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Charleroi pour avoir tiré avec un pistolet à billes, depuis leur voiture, sur des gamines de 12 ans. C’était en juin dernier. Les deux compères, qui s’amusaient en outre à filmer leurs virées débiles dans les rues de Mont-sur-Marchienne, ont reconnu s’être inspirés de Jackass. Il y a eu heureusement plus de peur que de mal, bien qu’une des victimes ait tout de même été traumatisée pendant plusieurs mois.

Pour ceux qui ne connaissent pas encore cette  » perle  » cathodique désormais diffusée sur Plug TV, Jackass est une émission à sketchs mettant en scène une bande de givrés, cascadeurs et sadomasochistes, qui se lancent des défis plus stupides et scatologiques les uns que les autres : agrafage de testicules, dégustation d’omelettes au vomi, course de skate sur des bidons d’eau, plongeon dans une bouse d’éléphant, concours d’éjaculation, enregistrement de pets, descente d’une colline sur un tandem sans freins,  » couille-ball  » ou lancers de balles sur les parties, orgie de sangsues… La devise des acteurs de l’émission : plus c’est con, meilleur c’est ! Et, en effet, c’est vraiment crétin.

Mais bon, les ados en raffolent. Jackass fait les choux gras de MTV depuis bientôt quatre ans, avec également une version anglaise, Dirty Sanchez. En France, la chaîne a vu son audience augmenter de 170 % depuis la diffusion de l’émission ! Le film Jackass-The movie a fait un tabac aux Etats-Unis, avant de s’arracher dans les magasins de DVD en Europe. Le merchandising bat son plein sur le site Internet officiel de Johnny Knoxville , le créateur de Jackass. Tout y est à vendre à l’effigie du show (une tête de mort surplombant deux béquilles en croix) : tee-shirts, sweat-shirts, bonnets, porte-clés, magnets…. Bref, le business de l’humour destroy est florissant.

Aujourd’hui, les idioties de Jackass sont devenues un tel phénomène qu’elles font même l’objet d’émissions d’investigation (encore récemment sur Canal +). Ceux qui tentent de décrypter le concept trash y voient un mélange entre le bizutage et la culture de rue subversive née sur les planches de skateboard, dans les années 1980, aux Etats-Unis. Quête d’adrénaline, volonté de braver les interdits, la connerie comme revendication… Les hallucinés de Jackass, ce n’est rien d’autre finalement que des gosses boutonneux qui cherchent à se faire remarquer en faisant des courses de charrettes sur un parking de supermarché ou qui comparent la longueur de leur quéquette en pouffant de rire.

Soyons bons joueurs, nous sommes tous passés par là… Sauf que, sur le petit écran, l’enjeu est inévitablement commercial. Les limites de ces défis d’adolescents sont poussés à l’extrême. Leur réalisation n’a rien d’amateur. Comme le stipule l’avertissement au début de chaque émission, les cascades les plus risquées sont confiées à des professionnels. Mais, pour faire plus authentique, les images de Jackass semblent avoir été capturées par une caméra vidéo familiale. Ce qui donne forcément aux plus inconscients l’envie d’imiter Knoxville et ses guignols. Avec des conséquences parfois dramatiques. La surenchère est dangereuse. Qui est responsable ?

Thierry Denoël

Le concept : un mélange entre le bizutage et la culture de rue subversive

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