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Les bienfaits du vélo pour les non-cyclistes

Les voitures non électriques sont-elles en passe de tomber en disgrâce au même titre que la cigarette ? Ce ne serait sans doute pas une mauvaise chose, car les moteurs à essence et au diésel sont, dans notre pays, une catastrophe pour la santé et pour l’environnement. Passer massivement au vélo permettrait de sauver des milliers de vies… mais on le souligne beaucoup trop peu.

Le monde scientifique semble enfin avoir  » découvert  » l’existence du deux-roues : pour preuve, l’augmentation spectaculaire du nombre d’études qui jettent un regard sur son impact sur la santé et l’environnement.

Les recherches réalisées par un groupe de spécialistes suédois en sciences de l’environnement sont particulièrement intéressantes. L’équipe scandinave s’est attachée à calculer quels seraient les effets sur la pollution de l’air et sur la santé si les navettes vers le centre de Stockholm étaient effectués en vélo plutôt qu’en voiture (1) – pour autant, du moins, que les distances le permettent. L’étude n’a en effet pris en compte que les automobilistes susceptibles de boucler l’aller-retour vers leur lieu de travail à vélo en moins d’une demi-heure, ce qui correspond à une distance de 3 à 4 km dans chaque sens. Au total, quelque 111.000 personnes (sur une population totale de 2,1 millions) répondaient à ce critère… et les chercheurs ont calculé que, si la totalité d’entre elles abandonnaient leur voiture au profit du vélo, la concentration d’oxydes d’azote et de suie dans l’air du centre urbain densément peuplé diminuerait d’environ 7 %. Cela semble peu, mais une telle amélioration de la qualité de l’air permettrait tout de même déjà de sauver chaque année la vie d’au moins 450 personnes, soit deux fois plus que la taxe de circulation en heure de pointe introduite par la ville en 2006. Soulignons au passage qu’il n’est pas question ici du gain de santé pour les cyclistes eux-mêmes, puisque les effets bénéfiques de l’activité physique n’ont même pas été pris en compte : les chiffres concernent uniquement l’impact sur la population de la capitale suédoise dans son ensemble.

Si 25 % des citoyens européens vivant en milieu urbain effectuaient leurs déplacements quotidiens à vélo, quelque 10.000 décès prématurés pourraient être évités chaque année.

Coup double

Est-il utopique de voir 111.000 personnes abandonner la voiture au profit du vélo pour leurs trajets quotidiens ? L’expérience de Copenhague démontre que non : en 2015, près de 50 % des navettes entre le domicile et le lieu de travail ou l’école s’y faisaient à vélo (2). À Stockholm, l’évolution envisagée ferait passer la proportion de navetteurs actifs de 6 % à 18 %. Autant dire qu’il reste une marge ! Dans le même temps, la proportion de personnes effectuant ces trajets en voiture chuterait de 38 à 26 %, ce qui correspond environ au niveau observé à Copenhague. La transition ne signifie donc nullement que le vélo serait imposé à tout le monde et à tout moment.

Les villes qui s’efforcent d’évoluer vers une mobilité durable dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique bénéficient pour ce faire du soutien actif de la Commission européenne (3). Une aide qui revient un peu à faire d’une pierre deux coups, puisque la réalisation de ces projets s’accompagne d’un joli bonus de santé : si 25 % des citoyens européens vivant en milieu urbain effectuaient leurs déplacements quotidiens à vélo, ce sont quelque 10.000 décès prématurés qui pourraient être évités chaque année (4).

Ce son de cloche positif se retrouve un peu partout dans le monde. À Brisbane, en Australie, on table sur un gain de 33.000 années de vie en bonne santé sur une population de 860.000 habitants (5). Au Royaume-Uni, on espère voir reculer les décès prématurés de 40 %, les maladies oncologiques de 45 % et la mortalité par cancer de 40 % (6). En Californie, on estime qu’une augmentation des déplacements actifs de 6 à 40 minutes par jour permettrait d’abaisser de 8500 unités le nombre de décès prématurés et d’accroître de 195.000 unités le nombre d’années de vie en bonne santé (espérance de vie sans handicap) (7).

Des villes saines et actives

Des villes à faible circulation qui laissent une large place aux cyclistes et piétons offrent également un excellent remède à cet autre mal de notre époque, un mode de vie passif avec trop de temps passé en position assise. Les navettes actives sont un moyen idéal d’intégrer davantage d’activité physique à la vie quotidienne, en particulier chez les personnes qui prétendent ne pas avoir le temps de faire du sport ou de l’exercice. Même celles qui vont travailler en transport en commun marchent déjà sensiblement plus pour rejoindre la gare ou l’arrêt le plus proche que celles qui effectuent le trajet en voiture, souvent de porte à porte. Un manque d’activité physique accroît le risque de mortalité de 20 à 30 %… mais des navettes actives permettent de contrer presque entièrement cet effet.

Les personnes qui font les navettes à vélo pèsent en moyenne 4 kg de moins que celles qui les font en voiture
Les personnes qui font les navettes à vélo pèsent en moyenne 4 kg de moins que celles qui les font en voiture© ISTOCK

Certaines critiques ont objecté que ces déplacements se font largement dans un air pollué et ce n’est évidemment pas faux : dans les petites rues où la circulation est dense, piétons et cyclistes sont effectivement moins bien lotis que les personnes qui se déplacent dans une voiture moderne avec des portes qui ferment bien et un système de ventilation doté de filtres efficaces (8,9). Ces automobilistes ne sont que peu exposés à la pollution… mais ils n’en continuent pas moins à polluer l’air des usagers faibles qui les entourent et qui n’ont pas, eux, la possibilité de filtrer ce qu’ils respirent. Pour comble de malheur, les piétons et cyclistes inspirent d’autant plus de polluants qu’ils respirent plus vite et plus profondément, même si les seconds ont heureusement la chance de pouvoir plus facilement s’échapper des zones les plus polluées. Des recherches réalisées à Anvers ont en effet révélé que la qualité de l’air peut varier très fortement d’une rue à l’autre et qu’il n’est donc pas inutile de faire un détour (10), ce qui est évidemment moins évident pour les piétons que pour les cyclistes. La quasi-totalité des études démontrent toutefois que les bénéfices de santé de l’exercice restent supérieurs aux risques associés à la pollution (4).

Ajoutez-y les effets qui n’ont pas encore été analysés de manière précise, comme la diminution du bruit de fond. Là encore, le gain est moins modeste qu’il n’y paraît, d’autant que l’on sait que le bruit est associé à une mortalité cardiovasculaire prématurée, aux troubles du sommeil, à une tension accrue et à davantage de troubles de la concentration et de l’apprentissage chez les enfants.

Des navettes actives sont aussi tout bénéfice d’un point de vue économique. Un investissement d’un euro dans le réseau cyclable rapporte ainsi en Flandre de 2 à 14 euros en bénéfices de santé (11). Il existe aussi des indices convaincants qu’une transition réfléchie vers un centre-ville à faible circulation automobile booste l’économie urbaine (12).

Soucis d’infrastructure

Depuis des années déjà, les gouvernements wallon, bruxellois et flamand planchent sur des projets pour développer à un rythme accéléré un réseau-coupole de pistes et d’autoroutes cyclables de qualité pour les déplacements sur de moyennes distances (20 kilomètres et plus) (13-15). Les objectifs sont ambitieux : de larges pistes cyclables (3 mètres minimum), des routes le plus possible sans conflits prévues pour une vitesse minimale de 15 km/h et une capacité de 4000 cyclistes par jour – bref, l’idéal pour donner envie de dire adieu aux bouchons au profit du vélo. Les projets sont fins prêts, les avantages à portée de main… et on ne peut donc que se demander pourquoi leur exécution se fait tant attendre !

Références www.bodytalk.be

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