Les Assises de l’interculturalité: déjà pliées ?

Enième grand-messe sur la place du religieux dans la vie publique, les Assises de l’interculturalité envisagent favorablement les  » accommodements raisonnables « . Un pas vers le multiculturalisme ?

Marie-Cécile Royen

Depuis plusieurs années, des revendications religieuses de plus en plus précises hantent les écoles, les milieux de travail et le secteur de la santé. On ne compte plus les commissions qui se sont attelées à définir des  » balises  » pour préserver le  » vivre ensemble « . Dernière tentative en date : les Assises de l’interculturalité de Joëlle Milquet (CDH), ministre de l’Emploi, du Travail et de l’Egalité des chances. Elles font suite à la Commission du Dialogue interculturel (2004), qui promouvait le concept de  » groupes culturels « . En bref, un modèle hybride de communautarisme à la belge. Aucune solution législative à la question des signes religieux dans les écoles secondaires ou la fonction publique n’était sortie de ce vaste tour de piste.

La nouvelle tentative démarre solennellement le 21 septembre. Ensuite, les réunions s’enchaîneront. Le 23 septembre, une matinée d’étude est organisée par le Centre pour l’égalité des chances qui est, dans cette matière, le bras armé de Joëlle Milquet. A voir le profil des experts chargés d’établir un bilan des cinq années écoulées (le voile n’est pas au menu, mais c’est un bon marqueur des opinions), le doute est permis : les Assises ne sont-elles pas déjà engagées dans une seule direction ?

Petite revue de détail. Le directeur adjoint du Centre, Edouard Delruelle, a déjà manifesté son penchant pour une autorisation du voile dans les écoles secondaires, de même que le Pr Rik Torfs (KULeuven, l’un des deux rapporteurs du Dialogue). Parmi les quatre invités du premier débat, Hassan Bousetta (ULg), Albert Martens (KULeuven), Patrick Loobuick (université d’Anvers), Fatima Zibouh (ULg) sont dans le même courant, avec des nuances. Sur les huit intervenants du second panel, Radouane Bouhlal (Mrax), Ariane Dierickx (Amazone, structure d’appui des organisations féministes) et Nadia Fadil (Steunpunt Allochtone Vrouwen en Meisjes) se prononceraient, si le sujet venait sur le tapis, en faveur de la levée de l’interdiction. Même position pour les représentantes flamandes du Vlaams Minderheden Centrum et de l’ASBL Foyer (Molenbeek). Reste à connaître l’avis de Philippe Markiewicz (communauté israélite de Bruxelles) et de Myriam Stoffen (coordinatrice de la Zinneke Parade)…

Dans la mouvance de Tariq Ramadan

Deux invitées, Fatima Zibouh (ULg) et Nadia Fadil, se démarquent par leur militantisme inspiré par la mouvance des Frères musulmans. Aucun autre jeune issu de l’immigration ne sera présent pour nuancer le propos des Tariq Ramadan’s girls, qui défendent les  » accommodements raisonnables  » (assouplissement des règles communes en faveur d’une ou de minorités). La contradiction viendra peut-être d’Eliane Deproost (Centre d’action laïque), ancienne directrice adjointe du Centre pour l’égalité des chances. Le 16 septembre dernier, la coupole des organisations laïques francophones a réclamé, pour la première fois, l’interdiction du voile dans les écoles. La cause de ce revirement ? Les nombreuses plaintes et inquiétudes émanant de professeurs et d’éducateurs, confrontés à la montée du religieux sur le terrain.

En guise de clôture, Laurent Chambon, un nostalgique du modèle multiculturel hollandais, conseiller municipal à Amsterdam (PVDA), est invité à comparer l’interculturalité en Belgique, en France et aux Pays-Bas. Ce parti pris des Assises n’est qu’une demi-surprise. Avant qu’elles ne débutent, l’appel à projets favorisant l’interculturalité, lancé le 1er avril dernier, plantait déjà le décor : il mentionnait comme l’un des critères de sélection la promotion de l’accommodement raisonnable.

MARIE-CÉCILE ROYEN

ce parti pris des assises n’est qu’une demi-surprise

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