Leçon de bouddhisme

Ce n’est pas n’importe quel toit, c’est celui du monde. Et il devrait n’appartenir qu’au peuple qui l’habite depuis la plus haute antiquité, puisque le Tibet est déjà mentionné par Ptolémée. Sauf que l’histoire est une fée Carabosse : le pays de l’Everest n’entre réellement dans la chronologie universelle que par le miroir chinois ou par l’épopée mongole. Contrairement à l’idée reçue, les Tibétains furent longtemps turbulents, attaquant la Chine à de multiples reprises, et formèrent un ensemble poreux dont les frontières occidentales étaient inévitablement calées contre l’Himalaya et les limites orientales constamment mouvantes et disputées. Dommage pour le mythe de la pureté originelle, mais l’histoire du Tibet est faite d’échanges incessants, de va-et-vient, et c’est au Moyen Age, grâce à un mélange de protectorat mongol et de suzeraineté chinoise, que le pays des Neiges, émietté entre clans et tribus, a pu voir éclore sa principale force de cohésion, le bouddhisme tantrique. Pendant des siècles, les lamas, supérieurs des couvents, payèrent tribut à la Chine, jusqu’à ce que l’un d’entre eux s’octroie le titre de dalaï-lama, permettant à ses successeurs de concentrer les pouvoirs spirituels et temporels d’une théocratie féodale. Cela n’advint qu’en 1642, et n’empêcha pas l’armée britannique, à l’origine de la première intrusion moderne, d’envahir le Tibet, entre 1904 et 1908, pour s’assurer le contrôle de ce promontoire sur l’empire des Indes. Londres négocia cette violation directement avec Pékin. Après une brève indépendance, proclamée en 1913, c’est donc la Chine qui s’emparera du pays des Neiges, en 1949, forçant, dix ans plus tard, l’actuel dalaï-lama à quitter son pays pour s’installer en Inde.

C’est cette longue et tortueuse histoire que certains défenseurs occidentaux de la cause tibétaine, parmi lesquels le prince Charles, devraient méditer. Depuis cinquante ans, le Tibet subit la férule chinoise, l’implantation de colons et une exploitation en règle. C’est un fait qu’il faut sans cesse dénoncer. Mais est-il bien avisé de se donner bonne conscience en diabolisant les JO de Pékin, et de perdre de vue qu’un peuple entier est exposé aux représailles ? Aux amis de la vraie sagesse le dalaï-lama vient de rappeler qu’il n’est pas favorable au boycott des Jeux olympiques. Au nom du Tibet libre. l

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire