Le voile fait de l’ombre à la burqa

Les députés français se sont penchés sur la pratique du port du voile intégral en Belgique : marginal mais inacceptable ?

Le phénomène du voile intégral est encore diffus en Belgique. Hormis les abords de l’avenue Louise, où les épouses des diplomates moyen-orientaux font leur shopping dissimulées sous un niqab, il ne touche que les communes populaires à forte composante marocaine. Même là où le foulard islamique s’est banalisé, le voile intégral, qui dissimule entièrement la femme, ne lui laissant qu’une fente pour les yeux, provoque toujours un choc. Le Danemark va l’interdire dans les lieux publics, la France prendra une initiative législative au printemps prochain. Et en Belgique ? Une partie de la gauche avait hurlé, en 2005, lorsque le député François-Xavier de Donnea (MR) avait proposé une mesure anti-burqa. Cinq ans plus tard, le sujet n’est plus tabou, même s’il est toujours éclipsé par la question du voile islamique dans les écoles et la fonction publique.

Le 13 novembre 2009, la mission parlementaire de l’Assemblée nationale française sur le voile intégral faisait escale à Bruxelles, à l’ambassade de France (1). Elle y a entendu des responsables politiques et associatifs belges, ainsi que Karima, auteur de La burqa a pourri ma vie (Luc Pire). Rejetée par une majorité de musulmans belges, la pratique du voilement intégral ne concernerait que 270 femmes sur une communauté religieuse évaluée entre 350 000 et 650 000 personnes. Philippe Moureaux, bourgmestre socialiste de Molenbeek, avait lancé, en 2004, le premier règlement de police interdisant de se couvrir le visage dans l’espace public. Il affirme que cette pratique est en régression. Sur les 34 infractions constatées dans sa commune, 19 amendes ont été payées, 3 ont fait l’objet d’une procédure auprès d’un huissier, un cas n’est pas poursuivi, 4 ne sont pas  » poursuivables « , une personne est insolvable et 6 dossiers sont encore en cours.

Aucune décision de justice n’a encore été rendue

Autre commune (Dison), autre bourgmestre (Yvan Ylieff, PS). La zone de police Vesdre, incluant Verviers, Dison et Pepinster, dispose, depuis 2008, d’un article 113 bis qui lui permet de verbaliser les porteuses de niqab. D’après la police, elles étaient 35, début 2009, principalement visibles à Verviers, 55 000 habitants, dont 15 à 20 % de musulmans.  » A l’expiration du « délai de grâce » qui leur avait été laissé, a expliqué Yvan Ylieff, une dizaine de femmes ont été verbalisées mais toutes ont indiqué ne pas faire l’objet de pressions et ont accepté de retirer leur voile en présence d’un homme. La procédure est la suivante : interpellation, reconduite au domicile et délivrance d’une amende de 30 euros au maximum. La contestation devant les tribunaux est systématique, qu’elle porte sur le règlement ou sur les amendes individuelles. Aucune décision de justice n’a encore été rendue. Conséquence : les femmes en voile intégral ne sortent plus de chez elles sauf pour le renouvellement de leur carte d’identité, pour lequel elles acceptent de retirer leur voile intégral même en présence d’un homme. « 

Comme en France, le débat, en Belgique, porte sur le niveau de la norme juridique et des autorités – l’Etat ? La commune ?- à même d’interdire ou d’encadrer strictement le port de la burqa.  » Aucun relativisme culturel ne peut justifier une pratique qui est contraire à la conception même que le droit contemporain se fait de la dignité de la personne, a déclaré Edouard Delruelle, directeur adjoint du Centre pour l’égalité des chances. Autre chose, par contre, est de savoir si une interdiction légale est opportune, et, si oui, sur quelles bases juridiques éventuelles.  » Il en conclut que les règlements communaux qui visent à permettre l’identification des citoyens dans l’espace public constituent, pour l’instant, la solution la plus pragmatique, étant donné le caractère limité du phénomène.

(1) www.assemblée-nationale.fr (rapport de la mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national).

M.-C.R.

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