Le tout premier échec du Blok

Il n’y avait aucune raison véritable d’espérer un recul du Vlaams Blok. Jusqu’à l’arrêt historique de la cour d’appel de Gand, le 21 avril 2004

Pour la première fois depuis sa montée en puissance, en 1991, le Vlaams Blok subit un réel contretemps. Jusqu’à la condamnation pour racisme prononcée par la cour d’appel de Gand, la vie du Blok s’assimilait à un long fleuve tranquille. Victoire à chaque élection (depuis 1981 !), influence grandissante sur l’agenda politique, union des forces. C’est bien simple : le parti d’extrême droite s’est incrusté dans le cercle restreint des quatre partis flamands de taille moyenne, banalisé et si ordinaire. Au point que certains scénarios jadis farfelus sont désormais pris au sérieux dans le monde politique : et si le parti de Filip Dewinter devenait n° 1 ? (lire Le Vif/L’Express du 26 mars).

Ces sombres perspectives peuvent-elles être balayées d’un revers de la main ? A court terme, non. Rien ne dit que le Vlaams Blok sera sanctionné lors du scrutin régional et européen du 13 juin prochain. Certes, une partie de ses 760 000 électeurs de mai 2003 réfléchiront désormais à deux fois avant d’émettre un vote jusqu’à présent inutile pour une formation qui incite de manière  » permanente  »  » à la ségrégation et au racisme « , selon les termes de la cour. Il n’empêche : l’arrêt rendu à Gand ne supprime pas d’un seul coup les facteurs structurels qui expliquent les succès de la droite extrême, en Flandre, à Bruxelles et ailleurs en Europe. Bien au contraire, le procès Dutroux, les indélicatesses fiscales de Daniel Ducarme ou les atermoiements du deuxième gouvernement Verhofstadt, où les socialistes et les libéraux se chamaillent sans fausse pudeur, pourraient renforcer les sentiments antipolitiques d’une partie de la population.

Enfin, dès le prononcé du jugement, qu’ils contesteront devant la cour de cassation, les dirigeants du Blok se sont promptement glissés dans la peau des victimes. Pendant que les présidents des partis flamands démocratiques s’emmêlaient une nouvelle fois les pinceaux, les  » blokkers  » ont transformé la sanction en… argument de campagne, dénonçant avec culot cette  » atteinte à la liberté d’opinion « . Déjà, les adversaires du Vlaams Blok redoutent un scénario-catastrophe. Faute d’autre thème, les élections de juin ne risquent-elles pas de s’assimiler à un référendum pour ou contre le Blok ?

Pour les démocrates, en réalité, le couperet de Gand n’aura un impact favorable qu’ à plus long terme. 1. D’autres condamnations en justice pourraient suivre. 2. Après les élections, sans doute, le Parlement devrait voter une loi qui autorise la sanction financière des partis racistes. Resterait alors à entamer une longue et délicate procédure politique pour couper la dotation publique du Blok. Ce qui semble de moins en moins utopique. 3. Au sein même du Vlaams Blok, de vraies divergences internes sont désormais imaginables. Jusqu’à ce jour, le tout puissant Dewinter n’éprouvait guère de difficultés à imposer son discours radicalement anti-immigrés. Cela pourrait changer. 4. Remis en question de manière répétée, ces derniers mois, le  » cordon sanitaire  » dressé autour de l’extrême droite flamande s’est brusquement resserré. Qui oserait se compromettre avec une formation explicitement raciste, même à l’échelon communal, où, dit-on, certains chrétiens ou libéraux flamands auraient pu s’allier avec des blokkers en 2006 ? 5. On se prend à rêver : l’attitude des hommes politiques et des médias flamands à l’égard du Vlaams Blok jugé de plus en plus fréquentable et complaisamment invité sur les plateaux de télévision pourrait devenir moins négligente. L’affaire de Gand fait couler des litres d’encre et provoque des règlements de comptes, visant notamment certains présentateurs vedettes de la VRT, dont les shows d’avant-élections ont fait la part belle à Dewinter & Co. Avec une bonne dose d’hypocrisie, certaines gazettes du Nord constatent qu’il était grand temps de dénoncer û à nouveau û le programme xénophobe et liberticide de cet encombrant parti d’extrême droite.

Philippe Engels

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