Le shérif australien de Bush

Collant aux options de la Maison-Blanche, Canberra assume désormais son leadership régional

De notre envoyé spécial

Longtemps, l’Australie s’est réfugiée dans un isolationnisme paresseux qui, au fond, satisfaisait la mentalité insulaire de ses citoyens, tout entiers tournés vers les joies de la plage et du barbecue. L’écho des tumultes du monde venait se briser sur le sable. Depuis la défaite du Japon militariste en 1945, aucun péril immédiat ne paraissait troubler la douce quiétude du géant de l’hémisphère austral. L’engagement û controversé û de Canberra au côté de l’allié américain lors de la guerre du Vietnam paraissait une expérience sans lendemain.

Cette ère est désormais révolue. Quinzième puissance économique mondiale, l’Australie se décide à assumer ses responsabilités régionales. Encouragé par le succès de son intervention tardive, en 1999, au Timor-Oriental, Canberra a envoyé, en juillet 2003, ses tommies sur les plages des îles Salomon, en proie à une sanglante anarchie. L’artisan de ce revirement est le Premier ministre, John Howard. Ce conservateur rigoureux, qui passait jusqu’alors pour un gestionnaire terne, peu curieux du reste du monde, fait aujourd’hui figure, aux yeux des voisins des îles des mers du Sud et de l’Asie du Sud- Est, d' » adjoint du shérif  » américain. Une étiquette qu’il repousse, sans vraiment convaincre, surtout depuis son soutien militaire à Washington en Irak, au printemps 2003. En délivrant un feu vert, la semaine dernière, à la participation de Canberra au projet de bouclier antimissiles cher à George W. Bush, le Premier ministre répond, une fois encore, à l’appel de la  » coalition des volontaires  » théorisée par la Maison-Blanche.

Dans les prochaines semaines, l’activisme australien va se déployer dans un autre Etat voisin en déréliction, la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Las de payer la note d’une coopération largement détournée par la corruption, inquiet de voir, à sa frontière septentrionale, se pérenniser une  » zone grise  » propice à l’éventuelle infiltration de réseaux terroristes islamistes venus, par exemple, de l’Indonésie voisine, le gouvernement australien a obtenu des autorités papoues l’instauration d’un protectorat qui ne dit pas son nom. Canberra va ainsi envoyer plusieurs centaines de policiers, de juristes et de comptables pour tenter d’administrer, en sous-main, 5,5 millions d’habitants éparpillés sur un territoire équivalant à quinze fois la Belgique. Dans la rhétorique du ministre australien des Affaires étrangères, Alexander Downer, cela s’appelle de l' » intervention coopérative « .

L’objectif stratégique est d’assurer un périmètre de sécurité régional, comme l’a avoué, au Forum des îles du Pacifique, à Auckland, en août 2003, le Premier ministre néo-zélandais, Helen Clark :  » Notre soutien aux petits Etats [de la région] s’inscrit dans le cadre des recommandations du Conseil de sécurité des Nations unies pour la lutte antiterroriste.  » Un an après les attentats de Bali (12 octobre 2002, 88 Australiens tués), vécus, ici, comme une réplique australe du 11 septembre, la diplomatie de Canberra semble avoir fait sa devise du slogan de la campagne de sensibilisation au risque terroriste du public australien :  » Be alert, not alarmed.  » (Soyez vigilant, sans panique).

Jean-Michel Demetz

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