Le prestige au détriment de la sécurité ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

La polémique a pris de l’ampleur ces derniers jours : ne ferait-on pas mieux d’investir pour sauver des vies, plutôt que de s’offrir des gares comme celles d’Anvers ou de Liège ? Tentative de réponse et comparaison entre budgets.

Le contraste a choqué beaucoup d’usagers du rail : la Belgique se flatte d’être le premier pays européen à avoir achevé son réseau à grande vitesse, elle s’offre de nouvelles gares célébrées dans les plus prestigieuses revues d’architecture, mais, dans le même temps, les navetteurs constatent la multiplication des annulations de trains, l’accumulation des retards, le manque de places assises aux heures de pointe. La vétusté du matériel roulant est également mise en cause, de même que l’absence de système performant de sécurité hors du réseau à grande vitesse.  » Ne ferait-on pas mieux d’investir pour sauver des vies plutôt que dans des gares comme Anvers ou Liège ?  » interroge le porte-parole de navetteurs.be, le site des usagers du rail.

Vincent Bourlard, directeur général  » Stations  » à la SNCB-Holding, s’insurge :  » Pour la période 2008-2012, la SNCB dépensera 1 milliard d’euros pour ses gares, sur un budget total de 10,5 milliards. Cela représente donc 9,6 % du montant total, alors qu’Infrabel, la filiale qui s’occupe du réseau des chemins de fer, en reçoit 50 %. Ce milliard nous permet de faire avancer correctement notre plan de rénovation des gares, rendues notamment intermodales avec les autres moyens de transport. « 

Ainsi, à Mons, où l’architecte espagnol Santiago Calatrava doit aménager, d’ici à la fin 2014, une gare-passerelle reliant les Grands Prés au c£ur historique (budget provisoire : 140 millions d’euros), il est prévu de construire un quai pour les bus, en plus des quatre quais classiques pour les trains. Comme à Liège, où a été inaugurée, en septembre dernier, la grande gare Calatrava, tous les décideurs s’accordent sur le besoin de revitaliser le quartier. En revanche, des conseillers communaux d’opposition et des responsables d’associations qualifient le projet montois de  » mégalo  » ou  » pharaonique « , commentaires déjà entendus dans la Cité ardente.

 » Liège-Guillemins, qui a coûté 320 millions d’euros sur douze ans ( NDLR : près d’un demi-milliard selon d’autres sources), est un investissement à très long terme, réplique Bourlard. Seule la moitié de cette somme a été consacrée à la gare elle-même. Le reste a été affecté aux quais, au déplacement du site, à la nouvelle cabine de signalisation…  »

Depuis trois mois, les travaux aux gares belges sont interrompus à cause du gel, mais des chantiers doivent se poursuivre à Ostende, Roulers, Gand, Louvain, Malines… Charleroi sera bientôt inauguré. Malines et Mons sont à l’étude.  » Dans tous nos projets, assure Bourlard, la sécurité des voyageurs est mieux prise en compte, de même que l’amélioration de l’accessibilité des gares. Cela nous oblige à construire des parkings, à aménager des emplacements pour les taxis, à poser des racks pour les vélos. « 

Reste que les dépenses affectées par la SNCB à la sécurité du réseau font pâle figure face aux dépenses globales du groupe. Le rapport 2008 d’Infrabel révèle que 18 millions d’euros ont été consentis, cette année-là, dans l’installation d’ETCS, le système européen destiné à bloquer un train qui franchit un feu rouge. Ce qui paraît peu en regard d’un investissement global de 845 millions d’euros en 2008. Certes, il convient d’inclure, dans le volet  » sécurité « , les montants destinés aux nouvelles cabines de signalisation (146 millions), aux infrastructures d’accueil des gares (38 millions) et à la suppression ou modernisation des passages à niveau (18 millions). Mais, pour Inge Vervotte (CD&V), la ministre des Entreprises publiques, peu importe : la question de savoir si la SNCB aurait dû dépenser plus d’argent pour la sécurité que pour la modernisation des gares n’est  » pas à l’ordre du jour « .

OLIVIER ROGEAU

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