Le pouvoir, ce puissant aphrodisiaque

Les hommes de pouvoir ont tendance à multiplier les conquêtes. Mais sans passer à la violence pour autant.

Les rapports entre pouvoir et sexe ont déjà été analysés sous tous les angles. C’est qu’ils sont nombreux, ces dirigeants à s’être distingués par leurs frasques sexuelles : de Mussolini à Mao, en passant par Mitterrand, Clinton ou Berlusconi, le pouvoir semble développer un appétit sexuel sans limites. L’exercice de la puissance est une arme de séduction d’autant plus efficace qu’il apporte avec lui l’argent et la sécurité. Le physique n’est pas déterminant : des femmes interrogées jadis lors d’un sondage trouvaient que Raymond Barre ne manquait pas de sex-appeal… Et plus près de chez nous, il suffit de voir la cour de jeunes dames qui entourent certains hommes politiques.

Mais l’amour du pouvoir et, donc, de la domination peut parfois conduire à des dérapages. Car, plus le succès grandit, plus le code moral se rétrécit. C’est ainsi qu’on passe de la  » banale  » aventure extramaritale consentie avec une employée ou une stagiaire (Clinton, par exemple) à un viol ou une tentative de viol punissable par la loi. DSK a-t-il franchi cette ligne rouge ? En lisant le témoignage de la femme de chambre du Sofitel de New York, cette affaire-ci suivrait la même logique que la mésaventure relatée par la journaliste et écrivaine Tristane Banon, en 2002 (voir page 52). La jeune dame avait sollicité une interview de Dominique Strauss-Kahn. Selon elle, l’homme s’est comporté comme un  » chimpanzé en rut  » et l’entretien s’est fini  » très, très violemment « . Tristane Banon n’a pas déposé plainte, car le pouvoir fascine autant qu’il fait peur :  » Je n’ai pas osé aller jusqu’au bout, je ne voulais pas être jusqu’à la fin de mes jours « la fille qui a eu un problème avec un homme politique » « , concluait-elle en 2007. L’omerta sur le sexe n’est pas l’apanage de la seule Eglise : elle se pratique dans tous les milieux où s’exerce le pouvoir.

Si les faits de New York sont avérés, DSK rejoindrait ainsi un club plus fermé de détenteurs de l’autorité devenus délinquants sexuels, réels ou supposés, où l’on retrouve l’ancien président israélien Moshé Katzav, qui a dû démissionner en 2007 à la suite de deux viols dont il s’est rendu coupable sur une de ses subordonnées à l’époque où il était ministre du Tourisme, il Cavaliere Silvio Berlusconi, accusé de relations sexuelles avec des mineures d’âge, le président africain Jacob Zuma, finalement acquitté (par faute de preuves) du viol d’une jeune fille séropositive en 2006, l’ancien vice-Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim, devenu chef de l’opposition et bientôt jugé pour actes de sodomie à l’encontre d’un ex-conseiller…

D’après le Pr René Zayan (UCL), hommes politiques et chefs d’entreprise sont des dominants, riches en testostérone et en dopamine, et donc naturellement polygames. Sans présumer de la suite de l’enquête américaine, la comparaison entre DSK et un  » chimpanzé en rut  » (dixit Tristane Banon) vient toutefois à point nommé pour illustrer les rapports entre sexe et pouvoir.  » Chez les grands singes, les chefs sont toujours les plus actifs sur le plan hormonal, ce qui leur donne priorité pour couvrir les femelles « , rapporte Gilles Goetghebuer, spécialiste du dopage et rédacteur en chef du magazine Sport et Vie. Ces fluctuations de testostérone ne seraient pas la cause mais la conséquence du pouvoir :  » Si l’on dope un singe dominé, on n’en fait pas un dominant pour autant, poursuit le journaliste. En revanche, si les hasards de la vie lui permettent d’occuper une place de leader, un réveil hormonal se produit.  »

Cette prérogative dure jusqu’à ce qu’ils chutent de leur piédestal. La théorie est cependant battue en brèche par le psychiatre français Laurent Karila, pour qui l’addiction sexuelle n’a rien à voir avec le pouvoir. Selon lui, elle est comparable à l’assuétude au tabac ou à l’alcool (aux Etats-Unis, toutes ces addictions sont placées sur le même plan), et à l’incapacité pour une personne à réguler sa consommation,  » même si elle sait que cela peut lui être préjudiciable « . D’où la théorie d’un acte quasi suicidaire de la part de Strauss-Kahn. L’homme aurait choisi la prison pour éviter une autre prison, celle de l’Elysée, dont il ne voulait pas dans son for intérieur. C’est finalement un comportement bien plus rationnel que bestial…

FRANÇOIS JANNE D’OTHÉE

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