Le père évaporé

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

La société israélienne et ses complexités trouvent un juste reflet dans Tehilim, où Raphaël Nadjari traite de la disparition brutale d’un être aimé.

Evaporé. Disparu sans explication aucune. Face à l’absence aussi soudaine qu’incompréhensible de leur père, Menachem et David vont réagir chacun à sa manière. Dans la Jérusalem où se déroule le film, la quête des deux jeunes fils mènera aussi vers une recherche de soi, tout en offrant un reflet d’une société israélienne en proie à ses contradictions…

Raphaël Nadjari, jeune réalisateur né en France et vivant depuis 2003 entre Tel-Aviv et Paris, s’était fait connaître dans le circuit des festivals internationaux avec The Shade (adaptation de Dostoïevski), Apartment #5C et Avanim, ce dernier déjà tourné en Israël. Tehilim confirme les promesses de ces premières £uvres très personnelles. Prenant pour titre le mot hébreu désignant les Psaumes, les poésies, chansons, enseignements et méditations attribués au roi David (une pièce centrale de la liturgie judaïque), le cinéaste filme son drame familial sur un mode quasi documentaire. Sa mise en scène précise, à la fois physiquement proche des personnages et légèrement distante par l’absence d’empathie forcée, fait subtilement affleurer quelques interrogations majeures de la société israélienne, notamment la place qu’y tient la religion. Le tout sans porter de jugement, en donnant simplement à voir.

 » Je cherche l’universel au c£ur du particulier « , explique Nadjari, qui a voulu  » trouver une histoire simple et intime pour parler des sujets les plus complexes « . Tehilim rend palpable cette vulnérabilité que peut dévoiler en nous la disparition brutale d’un être aimé. Chacun de nous peut vibrer aux sentiments vécus par les jeunes protagonistes du film. Et s’intéresser par ailleurs au balancement entre tradition et modernité dont le film, tourné dans un quartier orthodoxe et ashkénaze de Jérusalem, se fait remarquablement l’écho.

Filmé en vidéo haute définition, joué par de jeunes interprètes non professionnels, Tehilim s’inscrit, consciemment ou non, dans la lignée de ce cinéma de la  » disparition « , dont le tout juste disparu Michelangelo Antonioni s’était fait le chantre inspiré. Du creux profond causé par une absence, du mystère que cette absence suscite, faire le point de départ d’un questionnement existentiel. Raphaël Nadjari prouve que cette approche du cinéma, tout à la fois exigeante et ouverte (jusqu’à la fascination parfois) au regard du spectateur, n’a rien perdu de son actualité ni de sa pertinence.

Louis Danvers

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