Le paradoxe racial

Au milieu d’une course à la présidentielle menée de bon trot, Barack Obama retrouve l’insupportable facteur racial, qu’il espérait pourtant domestiquer. Au début de l’année, la plupart des commentateurs évoquaient les difficultés qu’il aurait, tôt ou tard, à persuader l’électorat blanc traditionnel. On lui prédisait également de graves soucis avec les leaders noirs extrémistes, qui ont toujours su empêcher l’émergence d’un leader de dimension nationale issu de leur communauté. Enfin, on évoquait l’étoile filante que fut Jesse Jackson, premier candidat noir aux primaires démocrates, en 1984, puis en 1988 et en 2004, qui ne dépassa jamais la stratégie communautaire qu’il avait choisie en voulant avant tout sensibiliser l’opinion au problème noir. Aucun de ces scénarios ne s’est vraiment produit ; mais il y a un peu de tout cela dans l’épreuve qui tourmente désormais le sénateur de l’Illinois.

A deux reprises, Obama vient de mesurer le revers de la sympathie que lui avait procurée, dans un premier temps, son  » innocence raciale « , à savoir le fait d’être noir et de plaire aux Blancs, d’être né d’un père musulman et de se proclamer chrétien convaincu, d’être de couleur et de ne surtout pas en faire un cheval de bataille. La suppression du  » facteur racial « , dont il rêve, est loin d’être atteinte. Au mois de février, son épouse, galvanisée par une série de succès, commettait un faux pas en déclarant qu’elle se sentait fière de son pays  » pour la première fois  » depuis qu’elle est adulte. L’avocate accomplie, dûment diplômée de Harvard (contretype idéal de sa cons£ur wasp Hillary Clinton), a subitement semé le doute sur cette fierté apaisante qu’est le modèle américain d’intégration. A peine se ravisait-elle que le pasteur Jeremiah Wright, ministre de l’Eglise unifiée de la Trinité du Christ, se lançait dans une tirade haineuse contre l’Amérique, mêlant Apocalypse et ressentiment racial, ce qui n’aurait pas tant d’importance s’il n’était le prêcheur qui a accompagné Obama vers la foi chrétienne. De quoi rappeler, au passage, aux électeurs flottants que le second prénom d’Obama est Husseinà Par la faille qui s’ouvre surgit un paradoxe fertile en rebondissements : si Obama était blanc, il n’éprouverait aucunement les difficultés qu’il rencontre ; mais s’il était blanc, il n’aurait aucune chance de triompher de Hillary Clinton.

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