Le monde sans fin de Pratchett

Depuis quinze ans, il balade son lecteur avec ses fameuses Annales du Disque-Monde. Nouveau rendez-vous : Le Dernier Héros, fantastique, évidemment

Le Dernier Héros, par Terry Pratchett. Illustré par Paul Kidby. L’Atalante, 176 p.

Egalement, tous les volumes des Annales du Disque-Monde, parus chez L’Atalante et réédités en Pocket, sans oublier De bons présages, écrit avec son compatriote Neil Gaiman, ou la série Le Grand Livre des gnomes.

J’ai pris l’habitude de commencer un roman tout de suite après avoir écrit le mot  » fin  » du précédent, sans la moindre interruption. Cette façon d’agir a eu deux avantages : elle a fait de moi un millionnaire et elle a prodigieusement agacé mes collègues !  »

Celui qui ironise ainsi, le visage à demi dissimulé sous un large chapeau de cuir, est le créateur d’une des séries les plus drôles et les plus inventives de ces dernières années : Les Annales du Disque-Monde. Résumons brièvement : le monde est plat, circulaire, posé en équilibre sur quatre éléphants géants, eux-mêmes installés sur le dos d’une tortue qui nage en plein espace… Au centre du disque, à cheval sur un fleuve si boueux qu’on pourrait le boire à la fourchette, on trouve une ville gigantesque, Ankh-Morpok, munie de tout ce qui est nécessaire à une capitale, à savoir des malandrins, un guet, une université de la magie avec son bibliothécaire transformé en orang-outang, bon nombre de tavernes réservées aux nains, trolls ou zombies, un marchand de hot dogs et un nombre non spécifié de bestioles diverses. Plus loin û et ce terme désigne tout endroit du disque, selon les besoins û il y a des continents mystérieux caricaturant la Chine, l’Afrique ou l’Australie, sans oublier des pyramides, des royaumes de contes de fées, une mer qui se jette par-dessus le bord du monde et toutes sortes de lieux mythiques qu’on a empilés à la va-vite. Surveillant tout ce petit monde avec une grosse loupe, il y a l’Anglais Terry Pratchett.

Chaque livre est une aventure indépendante, en général fondée sur un thème rebattu (les vampires, Hollywood, le rock’n’roll), un lieu exotique, voire une figure légendaire comme le Père Noël. On y retrouve des personnages récurrents, tels les trois sorcières, l’équivalent local de Léonard de Vinci, Rincevent et son célèbre bagage à pattes, sans oublier Cohen le Barbare, héros tellement vieillissant qu’il a depuis longtemps laissé passer la date de sa propre mort.

La Mort (ou plutôt le Mort, puisque les Anglo-Saxons ont masculinisé la Camarde) est d’ailleurs un des protagonistes les plus célèbres du Disque-Monde. Outre les romans qui lui sont directement consacrés et qui figurent parmi les meilleurs de la série, il se permet en général une ou plusieurs apparitions squelettiques dans les autres livres, armé de sa faux, parlant en majuscules et lâchant avec un sérieux imperturbable des aphorismes hilarants adaptés à toutes les situations.

 » L’humour de mes romans repose sur les personnages, se plaît à souligner Pratchett. Selon les cultures, ce qui est considéré comme drôle évolue. Les belles-mères, en revanche, sont une constante universelle, au même titre que la gravité. On peut s’en moquer partout.  »

La recette semble fonctionner. Les Annales du Disque-Monde, démarrées en 1983, sont traduites dans 30 langues et dialectes (dont le gallois) et rencontrent un succès constant : 20 des tomes qui les composent figurent sur les listes des best-sellers britanniques et l’auteur continue d’en écrire à un rythme effréné, par pure gourmandise.

Le dernier paru est un ouvrage illustré par Paul Kidby, complice de longue date de Pratchett et auteur de ses couvertures. Dans Le Dernier Héros, Cohen le Barbare, accompagné d’une horde hétéroclite de vieillards furieux, se lance à l’assaut du ciel pour rapporter aux dieux le feu qu’on leur a dérobé, avec les intérêts. Ce qui provoquera accessoirement la fin du monde, mais nous n’en sommes plus à ça près. En suivant les pérégrinations de Cohen et de sa troupe, nous apprendrons plein de choses utiles, dont la façon de faire sept avec un seul dé. Sans tricher, ou presque, à la façon de Mister Pratchett.

Jean-Claude Dunyach

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