Le manège du FDF n’enchante plus au MR

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

A l’ombre d’un Didier Reynders affaibli, le parti d’Olivier Maingain prend ses aises au sein du MR. Beaucoup trop au goût d’un pilier libéral en pleine déprime. Aujourd’hui giflé par un FDF qui s’invite sans crier gare sur ses terres wallonnes.

Sacrée pétaudière, ce MR. Et à sa manière, le FDF contribue à y mettre le feu. Au risque d’achever de  » griller  » un Didier Reynders déjà bien mal en point. Celui-là même qu’Olivier Maingain et les siens s’évertuent par ailleurs à soutenir à la présidence du Mouvement réformateur. Avec un zèle qui finit par éveiller le soupçon. Ce n’est pas pour les beaux yeux de Didier que le FDF fait à ce point corps avec lui. Là-derrière se dessine un bras de fer entre piliers du MR. La nervosité aidant, l’épreuve de force éclate au grand jour.

Olivier Maingain s’en est chargé. De l’air qu’il affectionne de ne pas y toucher, le président du FDF rajoute à la pagaille ambiante en évoquant tout de go, à la radio, l’intention de son parti d’implanter des sections en Wallonie. En soi, l’idée n’a rien de révolutionnaire. Dès 2004, des clubs de réflexion Wallonie-Bruxelles ont vu le jour, à l’initiative du FDF. Mais en ces temps où les nerfs sont à fleur de peau et la parano très en vogue au MR, afficher aussi ouvertement une telle ambition est ressentie comme une intrusion par des libéraux wallons estomaqués. Plus encore que le fond, la manière les ulcère. Le paisible député fédéral Olivier Destrebecq en perd même son sang-froid.  » Ce sujet n’a pas encore été discuté en conseil de parti, alors que le président du FDF en fait déjà écho dans la presse « , fulmine l’édile de La Louvière. Mais Maingain pousse la perfidie plus loin, comme pour se justifier :  » Nous exprimons au sein du MR une sensibilité sociale forte et nécessaire pour développer un projet social sans le socialisme.  » L’ultime précision ne fait pas illusion. Les libéraux wallons se sentent visés. Carrément giflés.  » Comme si le MR n’accordait aucune attention à la dimension sociale !  » s’enflamme Destrebecq, porte-parole d’une indignation partagée.  » Sidérant « , lâche le député-bourgmestre de Jodoigne Jean-Paul Wahl, là où son coreligionnaire brabançon Serge Kubla empoigne le bazooka ( lire l’encadré). Guère ravi, Daniel Ducarme entend endiguer ce projet dans les statuts du MR auxquels il est chargé de travailler.

Maingain, un pont trop loin ? L’homme a trop l’habitude de soigner ses effets pour ne pas deviner l’émoi qu’il provoquerait. Il rajoute une bonne couche à un contentieux larvé au sein du MR entre son pilier libéral et le FDF. Car les £ufs à peler se sont accumulés ces derniers temps. D’abord, ce veto finalement mis par Maingain à l’intégration de Rudy Aernoudt au MR, qui a agacé dans les rangs libéraux. Ensuite, ce cap du scrutin régional de juin dernier, douloureusement franchi en Région bruxelloise. La bonne performance électorale du FDF n’a mis que plus cruellement en relief la très pâle prestation des libéraux bruxellois emmenés par Armand De Decker. Le plaisir non dissimulé avec lequel Maingain aime rappeler cette montée en puissance du FDF au sein du MR (11 élus FDF sur 24 sièges MR à Bruxelles) achève de taper sur les nerfs des libéraux déboussolés, déjà à cran. Il y a de ces bonheurs affichés qui frisent l’indécence. L’appétit venant en mangeant, voilà que Maingain et ses troupes se mettent en tête de draguer l’électeur wallon sur les terres mêmes de leurs compagnons de route libéraux.  » Que voulez-vous ? Les gens en redemandent, prennent spontanément contact avec nous « , glisse-t-on au FDF. Et de brandir, comme pour mieux remuer le couteau dans la plaie, un récent sondage du quotidien Vers l’Avenir : le Bruxellois Olivier Maingain en est sorti premier MR parmi les personnalités politiques jugées  » les plus satisfaisantes  » en… Wallonie. Excusez du peu.

Le FDF pousse son avantage, et son président se pousse du col au sein du MR. Sous le regard d’un Didier Reynders bienveillant et/ou impuissant. «  »Allez-y, mais pas trop fort », nous a-t-il dit « , admet-on dans les rangs du FDF. On comprend mieux le soutien indéfectible qu’apporte Olivier Maingain à un président aux abois. En quête de tous les appuis possibles à sa cause précaire. Un  » patron  » dans une telle posture s’avère presque providentiel. Le remplacer pourrait mettre fin à l’effet d’aubaine. La montée en puissance du FDF n’avait pas fait bondir de joie un Louis Michel, sur le plateau ertébéen de Répondez @ la question.

Le manège n’échappe plus au pôle libéral du MR.  » Le FDF redoute une scission de BHV qui le couperait de sa base électorale en périphérie flamande. Il cherche à compenser les élus qu’il risque d’y perdre en négociant pour ses candidats des places éligibles sur les listes du MR en Wallonie « , enrage un ponte du parti. Du coup, cet autre sujet qui fâche figure en bonne place parmi les griefs adressés par les contestataires à la ligne présidentielle actuelle. Une façon de sommer en quelque sorte l’actuel ou futur président du MR de recadrer au plus vite un membre de la famille qui en prendrait un peu trop à ses aises.  » Olivier Maingain a acquis un poids colossal au sein du MR, disproportionné par rapport au poids électoral qu’y représente le FDF. Il s’est mis en situation d’exercer un chantage permanent sur un Didier Reynders fragilisé, qui ne tient pratiquement plus que par le FDF. La bride est totalement lâchée sur ce parti « , s’alarme un des signataires de la lettre. Olivier Maingain ne se prive pas d’en user.  » Il a négocié la cession à Armand De Decker de la tête de liste aux régionales bruxelloises de 2009 contre l’engagement de conduire, lui, la liste MR au scrutin fédéral de juin 2011.  » Sous le nez de libéraux bruxellois mortifiés, qui ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes depuis la disparition de Jacques Simonet, en 2007. Petits meurtres entre amis. Le MR y joue aussi sa survie.

PIERRE HAVAUX

Didier Reynders est jugé trop indulgent envers le FDF

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire