Depuis l'envol de ses enfants, Marka refait ce qu'il veut et il aime ça. © philippe cornet

Le karma de Marka

Mari de Laurence Bibot, père de Roméo Elvis et d’Angèle, le chanteur caméléon s’épanouit via le come-back d’Allez Allez et un solo scénique ramenant son alter ego, Serge Van Laeken, en spectacle à Bruxelles.

J’étais au piano et je cherchais la note qui me permettrait de continuer la chanson : Angèle, qui était haute comme trois pommes, s’est approchée du clavier et m’a dit :  » C’est celle-là  » en appuyant exactement là où il le fallait.  » Une dizaine d’années plus tard, Marka – Serge Van Laeken au civil – reste bluffé par ce souvenir, alors que la conversation croise une nouvelle fois les destins dernièrement largement médiatisés de ses deux enfants : Angèle, donc, et Roméo Elvis. L’aîné, 25 ans ce mois-ci, est l’un des rappeurs francophones bouillants du moment, auteur futé de coups de sang poétiques. Un succès monstre chez les 15-25 belges, y compris flamands, avec un beau début de réputation en France. La benjamine, 21 ans, ajoute au flow hip-hop des parfums de pop contagieuse.  » Je suis évidemment allé la voir en première partie de Damso à Forest National où elle a débarqué, seule, devant 8 000 spectateurs (NDLR : le 20 octobre dernier). Elle se les est tous mis dans la poche. Elle réfléchit en ce moment à toutes les propositions de contrat venant de France… Je ne donne pas de conseils artistiques à mes enfants, mais je leur dis de toujours veiller à leur carrière, de jeter un oeil aux comptes.  »

Je dis à mes enfants de toujours veiller à leur carrière

Daddy Van Laeken est forcément fier de ses deux rejetons au parcours météorite, qui rappelle le sien, au sortir de l’adolescence : pratiquement trente-cinq ans jour pour jour avant sa fille, Marka était lui aussi sur la prestigieuse scène de Forest National, à la basse dans Allez Allez, succès funky des années 1980.  » J’avais terminé ma rhéto à Léon Lepage, j’avais 20 ans, on était en juin 1981 et jusque-là, j’avais été roadie pour deux groupes belges, les Mad Virgins et Marine. Je n’avais aucune intention de continuer mes études, l’école ayant été pour moi un calvaire. En août, on m’a proposé de prendre la guitare basse au sein d’Allez Allez et en décembre, je suis parti au service militaire. D’abord dans un bataillon disciplinaire au fin fond de l’Allemagne parce que j’avais essayé de me faire réformer, puis du côté de Cologne, où j’ai fini par être muté grâce à une relation de ma mère. Je pouvais y faire le mur pour jouer avec Allez Allez.  »

Céline Dion

En cette fin novembre 2017, dans la maison qu’il habite à Linkebeek, les souvenirs du bidasse Van Laeken (56 ans aujourd’hui) semblent loin. Si ce n’est que l’époque du service croise celle de la montée en puissance d’Allez Allez : le groupe bruxellois, signé chez les british de Virgin, décolle spectaculairement avant de se faire flinguer en plein vol.  » Sarah, la chanteuse anglaise d’Allez Allez, a décidé de quitter le groupe et il n’y a rien eu à faire.  » Après un passage dans les très rock’n’roll Cactus pour un minialbum, Serge gagne sa vie entre 1984 et 1992 comme représentant en instruments. Toujours roots dans ses choix, il se souvient, par exemple, avoir offert du boudin mis sous vide comme cadeau de fin d’année à ses clients.  » Je l’avais acheté chez mon beau-père, le second mari de ma mère « , explique le Molenbeekois d’origine contrôlée…

Regarder le parcours de Serge Van Laeken, c’est prendre une leçon de business à la belge, et intégrer qu’une production musicale locale en français doit forcément à un moment ou un autre viser le marché du géant France. Ne serait-ce que pour des raisons de survie économique. Là aussi, Marka (il a entre-temps abrégé son pseudonyme initial  » Markassou « , celui du saucisson ardennais) voit passer le train. Au moins à deux reprises. La première fois, en 1995, via la signature parisienne chez Columbia (futur Sony), il défend Accouplés, en passe de devenir un vrai tube en France. Pour ce faire, il assume cinq fois Bercy, seul en formule voix et guitare avant… Céline Dion :  » J’ai aussi fait sa première partie devant les 18 000 spectateurs de la Halle Tony Garnier à Lyon. Plein de gens m’ont découvert grâce à cela et elle a été adorable.  » Mais le scénario tourne au fiasco lorsque le single –  » qui passe même sur NRJ  » – est banni à la suite des attentats terroristes de 1995 :  » Parce que le contenu était arabo-andalou et que certains pensaient que Marka était un nom arabe… Là, c’est comme prendre l’ascenseur et t’arrêter brutalement au second étage.  » Une deuxième occasion tourne court au début des années 2000 lorsqu’un autre label français, Inca Music, fait faillite après avoir signé Marka et son Avant après

Claustrophobe

Tout cela nourrira, finalement, un one-man-show baptisé Spécial que Marka présentera à la mi-décembre à Bruxelles (1) après deux galopades d’essai, à Havelange et Enghien.  » C’est un vrai solo, contrairement à mon premier  » seul-en-scène  » où j’invitais des musiciens. J’y parle de toutes les idées, parfois loufoques ou saugrenues, que j’ai eues dans ma vie pour faire avancer ma carrière. Je suis claustrophobe et je parle de mes peurs, de mes angoisses, celles de prendre l’ascenseur ou de m’endormir le soir dans le noir. Je parle aussi de mon impatience, un point commun avec mon fils : pour nous, tout doit toujours aller super vite. Le tout, je l’espère, avec humour et recul.  » Le solo est structuré sur neuf thèmes qui débouchent sur sept chansons, comme Je suis de retour et une poignée de titres souvent passés inaperçus dans le parcours du chanteur à la discographie éclectique.

En 2008, il poussera même sa curiosité naturelle jusqu’à partir à Cuba et enregistrer un disque en espagnol, en réalisant deux autres avec Laurence Bibot, qui partage sa vie depuis 1988.  » Après le documentaire réalisé ensemble en 2010, Si j’étais japonais, on s’est rendu compte qu’on n’arrivait plus à partager le travail. S’en est suivie une séparation de quelques mois et la décision de ne plus travailler de concert : à l’heure qu’il est, Laurence n’a pas encore vu mon spectacle solo…  » Paradoxalement, c’est peut-être l’envol de ses enfants qui a redonné des ailes à Marka :  » Je suis indépendant, je n’ai pas le statut d’artiste, donc pendant longtemps, j’ai voulu bien travailler pour pouvoir élever Roméo et Angèle, et maintenant, je fais ce que je veux : j’ai écrit un bouquin sur Allez Allez (éd. Lamiroy), avec qui je vais d’ailleurs tourner en 2018 (2), et puis je fais mon solo, je continue à m’amuser et au final, c’est du bonheur.  »

(1) Marka Spécial : les 14, 15 et 16 décembre aux Ecuries/Vénerie à Boitsfort. www.facebook.com/markalebelge

(2) Allez Allez : le 3 février au Depot de Leuven. www.hetdepot.be

D’autres dates belges en 2018.

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