Le film turc qui hurle avec les loups

Numéro 1 au box-office en Turquie, avec 3,5 millions d’entrées, Kurtlar Vadisi Irak (Irak : la Vallée des loups) fait désormais un tabac en Allemagne. Depuis sa sortie, voilà trois semaines, le film a attiré plus de 200 000 spectateurs. Les ressortissants de la communauté turque, en particulier, adorent. D’où un certain malaise. Car cette superproduction à 8 millions d’euros – un record absolu, dans l’histoire du 7e art turc – est une £uvre raciste, antiaméricaine, antisémite et antikurde. Plusieurs leaders politiques de droite, dont le ministre-président (conservateur) de Bavière, Edmund Stoiber, ainsi que des députés Verts ont réclamé l’interdiction de ce  » concentré de haine antioccidentale « .

Long-métrage violent et hypernationaliste, La Vallée des loups s’inspire d’un fait réel : en juin 2003, l’armée américaine a arrêté dans le nord de l’Irak 11 membres des forces spéciales turques, en pleine mission  » clandestine « . Afin de venger à l’écran cette humiliation nationale, les scénaristes ont trouvé une solution simple : récrire l’Histoire. Deux heures durant, dans une écriture cinématographique plus proche de celle de Rambo que de celle de Resnais, le public voit d’héroïques officiers d’Ankara infliger aux Américains une dérouillée sans appel.

Les Yankees, mal élevés et avides de sang, comme il se doit, ont pour chef un certain Sam – comme l’Oncle du même nom – tuent pour le plaisir et provoquent un carnage en pleine fête de mariage. Comme si cela ne suffisait pas, un autre personnage incarne un médecin juif, actif dans le trafic d’organes vers Londres et Tel-Aviv, qui préfère s’approvisionner auprès de blessés plutôt que sur des cadavres… A l’intention de ceux qui n’auraient toujours pas compris, l’un des seconds rôles, veule et peureux, arbore kippa et papillotes. Les membres de l’administration kurde, enfin, dans le nord du pays, apparaissent comme un ramassis d’incapables.

Interdit aux moins de 16 ans en Allemagne (et aux moins de 7 ans en Turquie), La Vallée des loups suscite l’éc£urement. Pour l’Allemand Cem Özdemir, député européen (Vert) d’origine turque,  » ce genre d’£uvre a pour objectif non seulement de divertir, mais également de véhiculer des idées racistes « . Cependant, ajoute-t-il, censurer l’£uvre serait inutile, voire contre-productif :  » Cela ne ferait que renforcer l’attrait pour ce film nauséabond.  »

Axel Gyldén

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