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Le féminisme passe par la réappropriation du corps

L’autrice et podcasteuse Axelle Jah Njiké puise la force d’être celle qu’elle a choisi d’être dans le passé de violences subies par elle-même et par ses aïeules. Un récit qui rejoint celui de la journaliste Luciana Peker sur la révolution des adolescentes argentines pour obtenir le droit à l’avortement.

Le combat féministe passe par la réappropriation du corps. Telle est la conviction que développe avec puissance l’autrice et podcasteuse Axelle Jah Njiké dans Journal intime d’une féministe (noire) (1), et qu’illustre la journaliste Luciana Peker dans La Révolution des filles (2), le récit de la lutte des femmes argentines pour le droit à l’avortement.

«Parce que je suis la fille d’une femme dont la vie intime a débuté sous des auspices effroyables – comme celle, à peu d’exceptions près, de mes aïeules – et que l’intime continue à être synonyme, dans la majeure partie de nos sociétés, d’outrages, de violences, d’abus et de dominations, l’intime est aujourd’hui au cœur de mon féminisme», clame l’autrice du podcast Me My Sexe and I. Née au Cameroun et vivant en France, Axelle Jah Njiké raconte son viol à l’âge de 11 ans par un «ami de la famille» sur le canapé du salon, les violences infligées par son demi-frère et tuteur, l’échec de sa vie conjugale parce que «choisir un homme parce qu’il est un bon père ne suffit pas à faire un couple», la révélation mystique du pouvoir de la masturbation. «Ma spiritualité et ma sexualité s’y trouvent tellement unies que chacune mène à l’autre», confie-t-elle.

Sans hommes prêts à changer et à arrêter d’autres hommes, aucun changement n’est possible.

A partir de là, elle se rend compte qu’elle a échappé au contrôle culturel qui brime la sexualité et qu’ «abolir l’éternel triptyque de la haine des femmes – épouse, maman ou putain – indissociable de la dévalorisation du sexe féminin, requiert de prendre en considération le sexe de nos mères, reconquérir pour elles, pour nous, cet espace qui leur était interdit et qui était un espace de violence. De domination. Supposé n’appartenir qu’aux hommes.» L’apprentissage des parents

«Je crois que l’enfant fait le parent», avance encore Axelle Jah Njiké. La journaliste argentine Luciana Peker pourrait aussi faire sienne cette maxime. Dans La Révolution des filles, elle explique avec passion comment, dans son pays, les adolescentes arborant le foulard vert, symbole de leur lutte au mépris des insultes, ont poussé des mères et des pères à surmonter leurs préjugés pour convaincre les élus d’adopter enfin, le 30 décembre 2020, la loi sur l’avortement légal, sûr et gratuit, la plus progressiste d’une Amérique du Sud encore grandement exposée au poids du machisme, à l’influence du catholicisme et aux tentatives d’obstruction du pape François. «Je suis maman d’une adolescente de 15 ans qui nous fait grandir, son père et moi. Jour après jour, elle nous explique des concepts nouveaux pour nous et nous fait changer notre vision des choses», témoigne Mercedes Villabrille, une employée de banque de Flores Sur.

Au-delà du combat pour le droit à l’avortement, désormais contesté dans l’Etat censé être le plus avancé du continent, les Etats-Unis, Luciana Peker décrypte le bilan catastrophique des féminicides et autres violences faites aux femmes. Elle en tire pour enseignement que «le féminisme défie explicitement le néolibéralisme de par ses modes de production» et que «sans hommes prêts à changer et à arrêter d’autres hommes, aucun changement n’est possible». Deux essais de nature à susciter la réflexion et l’introspection.

(1) Journal intime d’une féministe (noire), par Axelle Jah Njiké, Au diable vauvert, 176 p.


(2) La Révolution des filles, par Luciana Peker, éd. des femmes-Antoinette Fouque, 320 p.

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