Les menaces de sanctions occidentales, si Téhéran reprenait ses activités nucléaires sensibles, ne troublent guère le régime. Voici pourquoi
Le énième » ultime avertissement » aura-t-il plus d’impact que les autres ? Pas sûr. Sourd aux mises en garde de l’Occident, l’Iran a brisé le 10 janvier les scellés apposés par les experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur trois centres de recherche nucléaire. Confirmant ainsi sa volonté de reprendre ses activités d’enrichissement d’uranium, suspendues en 2003 à la demande d’une troïka européenne – France, Allemagne, Grande-Bretagne – et qu’aucun impératif civil ne justifie. Depuis, la troïka préconise, avec l’appui de Washington, de confier le dossier au Conseil de sécurité des Nations unies, via l’AIEA.
Les menaces de sanctions, au demeurant aléatoires, n’émeuvent guère le régime des mollahs, pourvu d’un arsenal de représailles diversifié. Une loi promulguée en décembre 2005 par le président Mahmoud Ahmadinejad permet de fait à Téhéran de s’affranchir du protocole additionnel du Traité de non-prolifération (TNP) – signé en 2003, mais jamais ratifié par le Majlis (Parlement) – et donc d’entraver les inspections des sites nucléaires. Envisage- t-on un châtiment économique ? L’effet boomerang serait garanti, dès lors qu’il viserait un pays richement doté en pétrole et en gaz. Nos censeurs » ont dix fois plus besoin de nous que nous d’eux « , claironne Ahmadinejad, prompt à agiter le spectre d’une flambée du cours du brut. De plus, la capacité de nuisance de la théocratie chiite en Irak, au Liban ou en Palestine invite les Etats-Unis à la retenue. Munies d’un droit de veto à l’ONU, la Russie, même irritée par l’intransigeance de son allié iranien, et la Chine, cliente à l’appétit énergétique insatiable, désavoueraient à coup sûr des mesures de rétorsion radicales. Tout comme le Japon, premier importateur d’or noir persan, ou l’Inde. L’isolement de l’Iran suppose donc un patient travail de persuasion.
Sait-on assez que l’une des principales artères de Téhéran a pour nom » avenue du Maître-du-Temps » ? La République islamique joue avec un art consommé du sablier. Elle a mis à profit les années de palabres pour accroître à coups de contrats la dépendance, donc la bienveillance, de ses partenaires. Mais aussi pour acquérir clandestinement des équipements nucléaires suspects et stocker vivres et médicaments, en vue d’un éventuel embargo. La bombe, c’est pour quand ? Dans un à deux ans, prétend Israël. Huit à dix, objectent des experts britanniques. Une certitude : il serait inutile, en la matière, de miser sur des dissensions internes. Née sous le chah, l’ambition nucléaire iranienne fait, au nom d’un patriotisme ombrageux, l’objet d’un robuste consensus. Du portefaix des quartiers déshérités du sud de Téhéran à l’intello libéral réfractaire aux harangues haineuses d’Ahmadinejad. l
Vincent Hugeux