Le défi de Singh

Après avoir gagné les élections de la  » plus grande démocratie du monde « , Sonia Gandhi, chef de file du Parti du Congrès, a donc dit non au poste de Premier ministre. Victime d’une campagne haineuse du parti nationaliste hindou (le BJP) qu’elle venait de battre dans les urnes, la veuve de Rajiv Gandhi n’a pas voulu que ses origines italiennes fragilisent la nouvelle équipe gouvernementale. Une sortie avec panache û  » Je n’ai pas la soif du pouvoir. Ma responsabilité n’était que de rendre à l’Inde un gouvernement laïque  » û qui propulse à la tête du gouvernement Manmohan Singh, 71 ans. De confession sikhe û une première dans un pays qui compte 80 % d’Hindous û, le nouveau Premier ministre indien est peu charismatique, mais il n’en est pas moins un sage écouté et un économiste réputé : ministre des Finances de 1991 à 1996, c’est lui qui prit les premières mesures brisant des décennies de protectionnisme.

Un gage parmi d’autres à l’égard… des marchés. Ceux-ci n’avaient guère apprécié la défaite du BJP, adepte des privatisations, de la réforme de l’administration publi- que et d’un discours hindouiste sectaire. La Bourse de New Delhi avait d’ailleurs nettement fléchi devant la victoire du Congrès, parti de gauche. La nomination, aux Finances, de Palaniappan Chidambaram, un ancien de Harvard acquis aux thèses libérales, a calmé le jeu. Mais les défis qui attendent la nouvelle coalition, rebaptisée Alliance progressiste unie, restent considérables, à l’image d’un pays qui dépasse le milliard d’habitants. Ces dernières années, l’économie indienne a décollé, affichant 8 % de croissance en 2003. Or, si le boom économique, particulièrement visible dans les services et l’informatique, a favorisé l’émergence d’une importante classe moyenne, si l’Inde peut désormais s’enorgueillir de diplômer chaque année 2,5 millions de college graduates, elle reste encore et toujours confrontée à de gigantesques poches de sous-développement. C’est pour avoir oublié que les trois quarts de la population indienne, majoritairement agricole, ne disposent, dans le meilleur des cas, que de 2 euros par jour, que le BJP a perdu les élections.  » India shining « , disait son slogan. Pas pour tout le monde, a rappelé le Congrès. Qui va devoir désormais concilier un discours sincèrement social avec un libéralisme économique de plus en plus agressif.

Stéphane Renard

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