Le déclic des aveux

Ancien de la PJ de Charleroi, le commissaire Jacques Fagnart déteste les comparaisons entre Fourniret et Dutroux :  » Ce n’est pas le même genre d’auteur, pas le même genre d’épouse. « 

Le Vif/L’Express : Comment expliquez-vous la colère de Michel Fourniret contre l’avocat général Francis Nachbar ? Cela ne s’est pas passé comme cela avec vous ?

Pendant un an, on l’a caressé dans le sens du poil. Il n’était pas le maillon le plus faible. Il n’a pas été notre cible. Avec Fourniret et Monique Olivier, on était face à deux murs. On s’est attaqué au moins épais. C’est comme ça que ça a réussi. Sa colère, c’est du pipeau ! S’il n’était pas pris au collet, il serait encore très, très poli avec Nachbar, vu son grade. Mais comme il sait qu’il n’a plus rien à perdre, il veut faire parler de lui et montrer qu’il a du caractère.

Quel a été le déclic de ses aveux ?

Ceux de sa femme. Le 22 juin, elle accuse son mari de la mort de Céline Saison et de Mananya Thumpong. Le 28 juin, elle donne des détails et évoque d’autres morts. Première étape : Fourniret reconnaît les faits anciens parce qu’il les croit prescrits. Deuxième étape : les enquêteurs le confrontent à des détails précis relatifs à la mort de Céline Saison et de Mananya Thumpong. Il sent qu’il tombe vraiment parce qu’il croyait être le seul à les connaître.

Vous rappelez-vous votre premier contact avec lui ?

C’était le 4 juillet. Au bout de trois minutes, je savais que je ne passerais pas mes vacances avec lui… Par nos contacts en France, on n’ignorait pas qu’il avait agressé sexuellement pas mal de gens. Il y a aussi l’énigme des corps des Françaises Céline Saison et Mananya Thumpong, découverts à Suny (en 2000) et à Nollevaux (2002). Géographiquement, tout se tient. Il est né, a étudié, travaillé et possédé des biens dans le périmètre où les jeunes filles ont été enlevées ou leurs corps retrouvés. On a pensé très vite à lui. Mais comme on n’avait pas grand-chose comme indices , on a dû avancer méticuleusement, en prenant le temps qu’il faut pour rassembler un maximum d’éléments.

Quel a été le tournant de l’enquête ?

Les écoutes. En mars 2004, Michel Fourniret entre dans les conditions pour recevoir des visites intimes une fois par mois, pendant deux heures. Avec l’accord du juge d’instruction et du parquet, le lieu est équipé de micros. En présence de son mari, Monique Olivier retrouve un débit de voix normal ; entre eux s’élabore une stratégie de défense. Alors qu’elle n’est inculpée de rien, elle évoque son emprisonnement.

Vous les convoquez souvent : 120 auditions en un an pour elle, 110 pour lui…

Les enquêteurs les interrogent parfois sur n’importe quoi, juste pour qu’ils sentent la pression et pour cerner leur personnage. Le but ? Qu’ils finissent par se trahir.

Les trente ans de prison pour Michèle Martin, au procès Dutroux, ont-ils influencé Monique Olivier ?

Non. Quand je sors ça, elle a plutôt tendance à se taire.

Son fils Sélim ?

Je n’en parle jamais. Lui, le fils aîné, et des proches de Fourniret ont changé leur nom de famille.

Pourquoi commence-t-elle à parler, le 22 juin ?

Il n’y a pas eu une grande étape, plutôt des évolutions, de petites choses découvertes en cours de route qui permettent aux enquêteurs de prendre l’avantage .

Vous restez intrigué par le mystère des jeunes filles au pair qui ont défilé dans la maison de Michel Fourniret, à Sart-Custines…

Entre 1990 et 2000, on ne peut pas lui  » accrocher  » de cadavres alors qu’on a des preuves qu’il n’a pas arrêté d’essayer de piéger des jeunes filles. Il est trop orgueilleux pour avoir accepté dix ans d’échec.

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