Le cyclone Abramoff

Panique au Congrès, où le lobbyiste républicain pourrait faire tomber nombre d’élus qui ont profité de ses faveurs

Je poserais bien mes mitaines sur ce joli pognon !  » rugissait Jack Abramoff, grand prédateur du lobbyisme républicain, lorsqu’il apprenait qu’un  » pigeon  » potentiel souhaitait user de ses entrées à Washington. A 46 ans, ce fleuron des plus res- pectables cabinets de lobbyistes de la capitale avait su ériger le douteux, mais traditionnel, jeu des influences politiques en véritable business mafieux, couvrant les élus de cadeaux illicites et détournant au passage les millions que lui confiaient ses clients pour la défense de leur cause au Capitole ou au gouvernement. La dernière transaction de cet  » escroc faiseur de pluie  » – sa promesse, faite le 3 janvier 2006, de collaborer avec la justice fédérale en échange d’une possible réduction de peine – a semé une panique générale qui en dit long sur l’étendue de son réseau et sur la gravité de l’affaire. Sans attendre ses aveux complets, bon nombre des 300 élus du Congrès (sur un total de 539) connus pour avoir profité de ses largesses, de ses voyages, fonds de campagne ou pots-de-vin, se bousculent pour transmettre leur argent sale à des £uvres de charité. Alors que s’ouvrent les premières enquêtes, le scandale compromet définitivement la carrière de Tom DeLay, chef de la majorité à la Chambre des représentants, et révèle, outre le poids du dollar dans la vie politique américaine, la décadence du parti républicain, en particulier, nanti depuis douze ans du pouvoir absolu au Capitole. Décrié pour ses outrances, Jack Abramoff n’en était pas moins une figure de la nomenklatura républicaine ; un activiste reaganien reconverti dans les années 1980 en défenseur tarifé des contras du Nicaragua ou de l’Afrique du Sud de l’apartheid. Etant l’un des rares lobbyistes de droite de Washington, ce cogneur sans scrupules a profité plus que quiconque de la  » révolution conservatrice  » de 1994, qui a conféré aux républicains une position dominante au Congrès. Sa chute annonce-t-elle le grand retour des démocrates en novembre 2006 ?  » Les électeurs ne croient pas à la culpabilité collective d’un parti et jugent leurs élus au cas par cas, tempère Hank Sheinkopf, consultant démocrate à New York. Pour que la majorité change, il faudrait que l’opposition ose enfourcher le cheval de bataille de la corruption, et – qui sait ? – que les têtes républicaines tombent par dizaines dans les prochains mois.  »

Philippe Coste

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