Le couple homosexuel

Leur appartement ressemble à une bonbonnière avec ses meubles anciens, ses tableaux choisis, le chien, le chat. Bruxelloise jusqu’au bout de ses doigts peints, Maud, l’infirmière, a la quarantaine coquette et volubile ; Françoise, l’antiquaire, la cinquantaine trapue et bourrue.  » J’ai toujours estimé que mon homosexualité ne regardait personne, explique Françoise. Je l’ai vécue dans la douleur. J’ai fui ma province pour la ville, les bars et les quartiers gays.  » Maud se fait, en revanche, un devoir de clamer son lesbianisme.  » Par militantisme. Pour les autres. A l’adolescence, je me suis sentie tellement seule, sans modèle de référence. Aujourd’hui, chaque émission de télé-réalité a son homosexuel. Les gays font la mode masculine. Les partis politiques nous courtisent.  »

Résultat : après le contrat de cohabitation légale, première reconnaissance des concubins hétéros et homosexuels (appelé pacs en France), le parlement belge vient d’ouvrir la voie au mariage homosexuel.  » Nous n’avions pas signé le contrat de cohabitation légale, coquille vide, qui ne nous donnait guère de droits et ne réglait pas le problème de la succession, poursuit Maud. Or, c’était injuste de refuser à une partie de la population – nous en représentons de 7 à 10 % – le droit de protéger son conjoint en cas de décès. Mais, cette fois, je pense me marier. Même si je n’ai jamais cru que j’allais le faire : j’ai été jeune dans les années 1970, à l’époque de l’amour libre…  »

Les temps changent… Hier, les homos réclamaient le droit à la différence. Aujourd’hui, ils aspirent à l’indifférence.  » A la fin des années 1970, quand j’ai affirmé ma préférence sexuelle, mes parents y ont vu une forme de rébellion à mettre sur le compte de l’adolescence, raconte Didier Seynave, porte-parole de l’association Tels Quels. Dans le sillage de Mai 68, le mouvement homo s’inscrivait alors dans une remise en cause de la société. Parmi les féministes, on trouvait beaucoup de lesbiennes.  »

C’était avant le choc du sida. Au milieu des années 1980, la communauté homosexuelle est frappée de plein fouet. Ils sont de plus en plus nombreux à accompagner un ami malade, sans pouvoir lui rendre visite, comme ils l’entendent, à l’hôpital, ni régler ses funérailles, ni rester dans l’appartement qu’ils occupaient ensemble. Des familles expulsent, sans ménagement, la ou le partenaire d’une fille ou d’un fils décédé. Ces drames répétés sont à l’origine du pacs et du contrat de cohabitation légale.

 » Le grand public s’est alors rendu compte que les homosexuels étaient plus nombreux qu’il ne le croyait « , poursuit Seynave. L’image de la  » grande folle  » infidèle en a pris un coup. Le coming out de personnalités révélant enfin leur différence – comme la joueuse française de tennis Amélie Mauresmo, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, ou le président du PS, Elio Di Rupo – a fait le reste.

Une discrimination subsiste toutefois : le droit à l’adoption et à la filiation n’a pas été reconnu aux homosexuels.  » Pourtant, certains sont déjà parents suite à une union hétérosexuelle antérieure. Ou des lesbiennes se sont fait inséminer. Or leur conjoint n’a aucun droit.  »

Ce sera l’ultime combat gay. Cet adjectif est d’emploi relativement récent.  » Il indique qu’on peut aussi être gai, épanoui, précise Seynave. L’homosexualité a trop longtemps été considérée comme une pathologie, un drame, en raison, notamment, de la déportation dans les camps nazis.  » En Flandre, le mouvement holebi (homosexuel, lesbien, bisexuel) s’est aussi imposé dans le vocabulaire, ce qui n’est pas encore le cas de son équivalent francophone GLBT (gay, lesbien, bisexuel, transsexuel).  » Il traduit pourtant une notion d’échelle : certaines personnes se sentent à 100 % homos. Mais d’autres ressentent davantage d’ambivalence, comme les bisexuels. Quant aux transsexuels, qui ont un problème d’identité sexuelle, ils peuvent être homos ou hétéros.  » Suis-je fille ou garçon, Ziggy ou Roméo, c’est toute la complexité de Ma vie en rose.

Dorothée Klein

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