Le Blitzkrieg de Sharon

Un séisme ? A coup sûr. Une surprise ? Certes non. En rompant avec le Likoud pour fonder un nouveau parti centriste, tandis que ses partenaires travaillistes quittaient le gouvernement  » d’union « , le Premier ministre israélien Ariel Sharon engage un pari qui vient de loin. A l’heure où se profile pour mars 2006 un scrutin législatif anticipé, on sent ce faucon inoxydable prêt à perpétuer le pacte scellé voilà des lustres avec la colombe Shimon Peres, fraîchement détrônée par les siens (voir ci-contre). Bien sûr, les deux vétérans ont parfois croisé le fer.  » Arik  » Sharon tient le processus d’Oslo, enfant chéri du Prix Nobel de la paix 1994, pour un  » fiasco total « . Mais leur compagnonnage, fondé sur une vision commune de l’épopée sioniste et une nostalgie tenace de l’ère des pères fondateurs, défie le temps et les aléas du combat partisan. Ils ont longtemps servi Tsahal côte à côte ; l’un sous l’uniforme, l’autre au ministère de la Défense. En 1984, Peres nomme Sharon au Commerce et à l’Industrie, abrégeant ainsi la disgrâce que lui vaut son rôle dans les massacres de Sabra et de Chatila. Neuf ans plus tôt, Itzhak Rabin avait fait du général indocile son conseiller à l’antiterrorisme. Comment oublier que la trajectoire politique d' » Arik  » a commencé à gauche ? Une enquête menée en 2001 dans les rangs travaillistes montrait que Sharon y était mieux coté que les hiérarques maison. Pour autant, le lancement ex nihilo d’un nouveau parti, fût-il soutenu par une quinzaine de députés, n’a rien d’une sinécure. David Ben Gourion en fit l’amère expérience en 1965. Quant à Sharon, à la tête de sa formation Shlomzion (la Paix de Sion), il arrachera tout juste deux sièges à la Knesset en 1977. Assez pour monnayer son ralliement à Menahem Begin contre un maroquin. Reste que le vieux soldat détient un atout maître : sa popularité. Carte précieuse pour damer le pion à Benyamin Netanyahu, figure de proue de la fronde aggravée durant l’été au sein du Likoud par le retrait israélien de la bande de Gaza. Les deux hommes, le prétorien têtu et le néolibéral hautain, se vouent d’ailleurs une haine vigilante. Déjà, les sondages promettent au néoparti de Sharon une trentaine de sièges sur 120. De quoi imaginer une coalition avec Peres, les centristes laïques du Shinui, voire Amir Peretz, nouveau patron des travaillistes. Ariel (le lion) rugit encore.

Vincent Hugeux

En fondant un nouveau parti, le Premier ministre israélien parie sur sa popularité

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