Le baptême référendaire

Assez de dérobades ! Assez d' » on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment  » ! Assez de mépris des citoyens, qui, les pauvres, ne comprendraient pas ! Il est désormais temps de suivre l’exemple de Tony Blair, lequel, dos au mur, avant que cela lui soit imposé, a su proposer à la Grande-Bretagne un référendum sur la Constitution européenne.

Il a su faire de nécessité vertu, se résoudre à mettre ainsi l’Europe aux voix, et c’est ce que toute l’Union devrait faire. Car il ne suffit pas de naître. Encore faut-il exister, et cette Europe des 25, cette Europe réunifiée par l’implosion du communisme, ne peut pas continuer d’escamoter la discussion, l’incontournable bataille démocratique, sur ses institutions, ses évolutions futures et les politiques, intérieure et extérieure, qu’elle doit mener.

On l’a pu lorsque nous étions suffisamment peu pour que nos connivences soient implicites, quand nous étions soudés par la menace soviétique et que les compétences communes étaient limitées. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement que nous sommes plus nombreux.

Là n’est pas le problème. Les fils de l’histoire européenne se retisseront. Nos économies convergeront comme l’ont fait, hier, celles de l’Espagne, de la Grèce, du Portugal et des six fondateurs. La vraie difficulté û notre vraie force en même temps û est que les rangs de l’Union s’élargissent au moment précis où les nécessités d’un monde globalisé et le recul du crédit américain nous obligent à agir unis sur tous les fronts.

Nous n’y parvenons pas encore, mais nous y tendons déjà.

Nous n’avons pas de politique étrangère commune, mais nos dirigeants cherchent à en jeter les bases, dans une quête permanente.

Nous n’avons pas de politique économique, mais la monnaie unique comme les difficultés communes nous en montrent le chemin.

Nous n’avons pas de défense qui vaille, pas plus ensemble que séparément, mais l’évidence et les dangers de ce manque font l’une de nos rares unanimités.

Nous avons, en un mot, tout à faire ensemble, mais n’y parviendrons pas sans avoir débattu de ce que nous voulons réaliser û Europe des Etats ou Europe fédérale, Europe du laisser-faire ou de l’économie sociale de marché, Europe vassale ou Europe souveraine. Ces débats seront cruels.

L’ampleur de nos divergences en sera soulignée ; pourtant, outre qu’elles sont déjà là et bien visibles, outre que l’étonnant serait qu’elles n’existent pas et qu’il revient aux citoyens européens de les trancher par leurs votes, nous ne ferions, en ne les affrontant pas, que tout perdre, la puissance révolue des Etats-nations comme la puissance virtuelle de l’Union. Non seulement on n’échappera plus au référendum, mais il faut y aller et, de préférence, au même moment dans toute l’Union. A ne pas s’y décider, nous ferions de l’Europe un but inavouable, d’une nécessaire ambition un cadavre dans le placard, de notre chance de compter demain un complot inquiétant.

Bernard Guetta

L’Europe élargie ne peut pas continuer d’escamoter la bataille démocratique

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