L’art, valeur refuge

Pendant la crise, les ouvres aux enchères continuent de battre des records. Engouement mais aussi… placement.

On a cru à une extravagance lorsqu’en février la sculpture de Giacometti L’Homme qui marche s’est envolée, à Londres, chez Sotheby’s, à 74 millions d’euros, établissant ainsi le record mondial d’une £uvre aux enchères. Mais, trois mois plus tard, les ventes chez Sotheby’s et chez Christie’s, à New York, atteignaient des sommets encore plus hauts : Nu au plateau de sculpteur, de Picasso, partait pour 82 millions d’euros, établissant un nouveau record. Le vent d’optimisme gagnait même la place de Paris, habituellement en retrait. Chez Artcurial, un mobile de Calder, mis à prix 300 000 euros, a grimpé en quelques minutes à plus de 2,2 millions d’euros.

 » Après une pause de quelques mois, le marché de l’art a retrouvé la confiance « , analyse Thomas Seydoux, directeur du département impressionniste et art moderne de Christie’s. On pourrait même dire qu’il va très, très bien, alors que le chômage explose, que les Bourses s’effondrent et que les Etats frôlent la faillite.  » Cette déconnexion avec la réalité économique nous étonne parfois nous-mêmes « , reconnaît Martin Guesnet, directeur du département contemporain d’Artcurial. Mais les faits sont là.  » Le marché de l’art est aujourd’hui mondialisé, explique la galeriste parisienne Nathalie Obadia, et tous les pays ne sont pas touchés de la même façon par la crise.  » Les nouveaux acheteurs, russes, asiatiques ou moyen-orientaux, peu soucieux du lendemain, contribuent largement à faire monter les enchères.

Apothéose de stars

Les mentalités évoluent également.  » Aujourd’hui, l’art, y compris contemporain, a sa place dans un portefeuille de valeurs, au même titre que l’immobilier ou la Bourse « , poursuit Nathalie Obadia. Dans une époque économique chaotique, un tableau de Warhol ou de Rothko apparaît comme un meilleur placement que les actions. Il y a fort à parier que les ventes programmées d’ici aux congés d’été feront encore se damner quelques collectionneurs fortunés. Christie’s annonce l’adjudication à Paris, le 14 juin, d’une exceptionnelle tête sculptée de Modigliani, qui, estimée 4 millions, pourrait en atteindre 10. Le 23 juin, à Londres, ce sera une apothéose de stars. Les regards sont déjà braqués sur un Picasso emblématique de la période bleue, Portrait d’Angel Fernandez de Soto (Le Buveur d’absinthe), et sur de rares Nymphéas, de Monet. Chacune des toiles est estimée à 45 millions d’euros, mais les prévisions seront sans doute pulvérisées.

Annick Colonna-Césari

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