L’art du débat

Pour débattre d’une question, quelles sont les règles qui s’imposent ? Jean-François Stas, par e-mailQuand il faut débattre de questions importantes, il faut se laisser guider par deux règles. La première consiste à s’assurer du sens des mots. Ainsi en est-il de la critique de l’attitude religieuse assimilée au racisme alors qu’elle est proprement idéologique (c’est-à-dire une représentation du monde). Sont-ils racistes, par exemple, ceux qui assimilent les positions des fondamentalistes chrétiens à l’essence de la doctrine chrétienne ? Est-on en droit de se demander si le rejet du fondamentalisme chrétien, en tant qu’exprimant l’essence du christianisme, est une attitude raciste christianophobe ? Prétendre que tout chrétien est un fondamentaliste en puissance est-ce du racisme ou de l’idéologie ? Semblablement, reprocher aux colons juifs de Gaza et de Cisjordanie de s’incruster en Palestine, au nom d’une promesse biblique, et souligner û à tort ou à raison û que c’est là le fond de la religion juive est-ce du racisme judéophobe ? Autrement dit, affirmer que tout juif religieux est un fondamentaliste en puissance est-ce du racisme ou une position idéologique ? Le débat sera biaisé tant que l’on confondra racisme et idéologie. La religion (et sa critique) est une question d’idéologie et non de race. Adhérer ou rejeter en bloc une religion (ou la religion en général) n’a rien à voir avec le racisme, sauf à assimiler l’idéologie religieuse à un groupe humain indistinctement. Préciser le sens des mots doit être le premier souci dans le débat.

La seconde règle consiste à refuser de se faire plaisir. Cela signifie qu’il faut évacuer du débat tout a priori complaisant. Par exemple, affirmer que jamais une majorité de citoyens û dans un pays démocratique û ne se prononcera contre la liberté d’une minorité ; jamais, elle ne votera en faveur d’une législation raciste ; jamais, elle ne soutiendra une politique impérialiste… Qu’en savons-nous ? Si je tiens, non pas à faire triompher mon point de vue coûte que coûte, mais à faire progresser le débat, à me rapprocher de la meilleure solution possible, je dois me dédoubler en quelque sorte. Faire partager, au moins en partie, mes convictions profondes tout en refusant de m’aveugler sur des réalités déplaisantes. Considérer que la justice est due à tous est une conviction honorable, faire semblant de ne pas voir qu’au nom de celle-ci des erreurs – des crimes parfois – ont été commises ne renforcera pas ma position. Au contraire. Et ce n’est certes pas le plus facile dans un débat où souvent les meilleures causes trouvent de bien piètres avocats.

Jean Nousse

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