L’art dans les gènes

Depuis plus de cinq générations, les membres de la tribu Chavepeyer vivent de leurs passions. Et de leur fascination pour l’image, sous toutes ses formes.

Le lieu résonne de rires et d’anecdotes. L’atelier de photographie que tient Christian Chavepeyer, à Châtelet, ressemble à une cour de récréation au lendemain de la fête de Saint-Nicolas : chacun y va de sa découverte patrimoniale, de son anecdote, de son souvenir de famille.

 » Rappelez-vous, lance Jacques Chavepeyer, photographe et dessinateur venu de Binche, l’histoire de notre grand oncle Hector. Alors qu’il se rendait chez un client pour lui livrer un tableau, il préféra finalement offrir sa toile à un passant qui s’était émerveillé devant son £uvre !  » Voilà qui résume bien ce mélange de beauté du geste et d’esthétique qui habite les membres de la famille depuis qu’Hector a cédé la place aux générations suivantes.

Nous sommes à la fin du xixe siècle. Gomer, le père d’Hector, vit de son activité de peintre en bâtiment. Il a repris l’entreprise familiale établie à Châtelet, une petite commune située non loin de Charleroi. Avec leur pote René, ses trois fils font les 400 coups dans la rue des Gravelles. En 1909, Hector, l’aîné, décide d’aller suivre des cours de peinture à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles. Son professeur, Constant Montald, le révèle à lui-même. La critique l’acclame dans l’entre-deux-guerres et le qualifie de Toulouse-Lautrec wallon. Entre lyrisme et expressionnisme, l’homme peint comme il respire. Dans son trait nerveux, sa recherche se concentre sur le bonheur de l’acte, peu intéressé qu’il est par l’argent ou la gloire. Comme Gustave Camus et d’autres, le petit René dira d’Hector qu’il l’a éveillé à la peinture. René. Magritte, s’entend. Excusez du peu ! La s£ur cadette d’ Hector, Jeanne, épousera d’ail-leurs le peintre Gustave Camus.

Les deux autres frères, Emile et Albert, exerceront un temps la photographie. L’un tire les portraits, l’autre effectue les retouches. Après avoir exercé à Paris et Bruxelles, c’est finalement en bord de Sambre qu’ils reviennent installer leur studio, en 1922. Puis Albert part à Liège exercer dans le domaine du dessin publicitaire. Emile découvre alors la photographie artistique et décide de montrer le Pays noir, sa région. En ressort une représentation forte et profonde de la réalité, comme en témoignent ses séries célèbres sur les sidérurgistes, les haleurs ou encore les hiercheurs (chargés, dans les mines, de tirer les wagonnets remplis de charbon depuis les zones d’extraction jusqu’au puits de remontée).

De son côté, Albert s’affirme comme créateur d’affiches publicitaires modernes. Mais après la Seconde Guerre mondiale, la peinture le rattrape. Ses tableaux représentant le folklore collectif régional lui permettent de se rendre aux Etats-Unis à plusieurs reprises. La nostalgie du pays l’incite toutefois à refuser une proposition de collaboration avec Walt Disney.

Un univers social et sombre

A la même époque, le fils d’Albert, Gomer, s’est déjà fait un prénom. Les peintres Georges Braque et André Lhote le conseillent. Son univers social et sombre sonne comme un cri étouffé, fidèle à la patte Chavepeyer. Son autre fils, Albert, partage les passions de son homonyme de paternel : la peinture et la photographie. Sa boutique-atelier, aujourd’hui tenue par Christian, issu de la génération suivante, trône d’ailleurs toujours fièrement sur la place du Marché, à Châtelet. Non sans fierté, elle a engendré une succursale située sur la place Albert Ier, à Charleroi.

La famille se compose encore de Marie-Eve, restauratrice de tableaux. De son fils Géraud, marchand d’£uvres d’art. De Pascale, créatrice de bijoux, présente un peu partout dans le monde. Et de tous les autres Chavepeyer pour lesquels l’art n’est jamais très loin. Comme un besoin à combler pour vivre pleinement.

Hu.P.

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