L’art, ça doit forcément représenter quelque chose ! Faux.

Au début du XXe siècle, une période chahutée voit la naissance de l’abstraction.  » Ça ne ressemble à rien !  » entend-on dans les allées de musées. Et pour cause : c’est bien le but recherché.

De tout temps, l’art refléta des thèmes immédiatement reconnaissables. Scènes mythologiques, épisodes bibliques, paysages, natures mortes et portraits constituaient un fonds commun identifiable de tous. Une visée confortable qui facilitait nos critères d’appréciation : le plasticien était jugé sur ses capacités à restituer la réalité avec un maximum de fidélité. C’était sans compter l’apparition de l’abstraction…

C’est Vassily Kandinsky qui ouvre la voie. Personnalité fascinante, l’artiste russe se passe de modèles pour n’explorer que sa propre grammaire constituée de formes, de lignes et de couleurs. Ainsi libérée de toute référence extérieure, la peinture n’est plus forcément une fenêtre à travers laquelle on peut  » voir  » – ou plutôt reconnaître – le monde. Le revers de cette nouvelle orientation ? Une bonne part de la production abstraite nous apparaît comme absurde, irrationnelle, indéchiffrable. Et il n’est pas rare d’entendre, parmi les réactions du public, des remarques ironiques (ou indignées) comparant le talent de l’artiste à celui du neveu de 3 ans. Combien de fois a-t-on entendu dire  » Ça ne ressemble à rien !  » ? Une remarque qui exprime à elle seule notre incompréhension, notre perte de repères face à des £uvres qui ne représentent rien d’identifiable. A cela s’ajoute un autre regret : l’art ne fait plus appel à cette virtuosité qui nous permettait d’apprécier objectivement le travail d’un artiste.

Privée de contenu saisissable, l’£uvre d’art devient une expérience spirituelle qui invite à la contemplation. D’ailleurs, en poussant la réflexion, ne pourrait-on pas considérer que l’artiste s’exprimerait seulement de façon personnelle qu’après avoir écarté toute référence à la réalité ?

Au paroxysme de ces démarches radicales, on pointera l’exposition Le Vide organisée par Yves Klein (galerie Iris Clert, 1958). Un événement qui n’avait été compris que des plus avertis. Après avoir testé la puissance de la couleur pure avec ses monochromes bleus, Klein tente de capter la dimension sidérale du vide. Dans la galerie, l’espace entièrement peint en blanc est laissé vide, style  » sas de décontamination  » ! La vitrine, le rideau qui accueille les visiteurs et les cartons d’invitation sont bleus, comme le cocktail offert par l’artiste. Cette quête de l’expérience artistique résonne aujourd’hui dans les environnements d’Olafur Eliasson et de James Turrell. Des £uvres immatérielles, ne représentant rien mais évoquant tellement : elles ouvrent les portes de l’inconnu, parfois celles de la magie. Que demander de plus à l’art ?

La semaine prochaine

 » L’ART, Ç’EST FORCÉMENT DE LA PEINTURE OU DE LA SCULPTURE ! FAUX. « 

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

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