L’amour, si je veux, quand je veux

Ne dites plus impuissance! Le terme serait dépassé, trop critique (on n’ose dire trop dur…). Les hommes qui ne parviennent pas à faire l’amour souffriraient donc, désormais, de « troubles de l’érection », d’une « dysfonction sexuelle » ou d’un « trouble érectile ». Mais, dans tous les cas de figure, ces messieurs répondent à la définition rappelée par le Pr Reinier Opsomer, urologue aux cliniques universitaires Saint-Luc (à Bruxelles), où il coordonne le Centre de pathologie sexuelle masculine: « Il s’agit de l’impossibilité d’obtenir et/ou de maintenir une érection pour un rapport sexuel satisfaisant les deux partenaires. »

La première grande étude épidémiologique réalisée sur ce thème, la Massachusetts Male Aging Study, avait démontré que les troubles de l’érection augmentaient avec l’âge, premier facteur de risque: ils touchent 12,4 % des hommes de 40 à 49 ans, pour 46,4 % entre 60 et 69 ans. Ces travaux avaient, également, mis en évidence d’autres causes susceptibles d’expliquer les défaillancesmasculines : les maladies cardio-vasculaires, certains médicaments, la dépression, le tabac. « En fait, l’origine du dysfonctionnement peut être organique, psychologique ou mixte comme, par exemple, pour un diabétique qui, après quelques échecs ou tentatives infructueuses, perd confiance en lui et n’ose plus recommencer », explique le Pr Opsomer.

Lorsque l’absence d’érection a pour origine une cause organique (dans ce cas, on constate un manque de lors des relations mais, aussi, lors des examens effectués pendant le sommeil nocturne), elle provient à 80 % de troubles vasculaires. « Dans 1 % des cas seulement, les difficultés surviennent en raison de problèmes hormonaux. Pendant longtemps, pourtant, les hommes concernés par une dysfonction sexuelle ont reçu des hormones, qui s’avéraient donc bien inutiles. Mais il est vrai que nous n’avions alors pratiquement rien d’autre à proposer… » Cette réalité-là est largement dépassée.

Actuellement,lorsqu’un diagnostic de dysfonctionnement sexuel organique est posé, les solutions consistent, dans une immense majorité des cas, à traiter les symptômes et non à offrir une guérison définitive. « En premier lieu, nous proposons des traitements par voie orale », détaille le Pr Opsomer. La première de ces molécules stimulant l’érection a été l’apomorphine. Elle agit au niveau du système nerveux central et peut être prescrite sans contre-indications médicales. Il suffit de laisser fondre le cachet sous la langue pour obtenir un résultat vingt minutes plus tard. Son principal inconvénient est lié à son plus grand effet secondaire: à dose efficace pour obtenir une érection, il provoque des nausées et des vomissements chez 20 % des patients. On comprend donc pourquoi les spécialistes proposent désormais plutôt aux patients des produits relevant d’une autre gamme de molécule: le sildénafil.

En arrivant sur le marché, le Viagra – puisque c’est de lui qu’il s’agit – a révolutionné le traitement du trouble érectile. De fait, son efficacité est élevée: 94 % des patients souffrant d’un problème d’érection d’origine psychologique s’en disent satisfaits, 75 % lorsque la cause est organique et 85 % lorsque ces deux facteurs interfèrent. « Cependant, la prescription de ce produit reste contre-indiquée et interdite aux hommes sous traitement avec des dérivés nitrés, rappelle le Pr Opsomer. D’autre part, le sildénafil n’a aucun effet chez ceux pour qui le problème est apparu après une prostatectomie radicale (ablation de la prostate). Mais, sur ce point, en collaboration avec les oncologues et les chirurgiens, nous tentons désormais de préserver certains nerfs qui, lorsqu’ils ont pu être conservés, autorisent alors l’action médicamenteuse. »

A condition d’être avalé lorsqu’on a fait l’impasse sur l’alcool et un repas gras, ce traitement, pris trente minutes avant un rapport, a une efficacité de quatre à cinq heures. Dans 15,8 % des cas, il provoque des migraines.Médicament révolutionnaire qui a fait tomber bien des tabous, le Viagra a, en fait, aussi été celui qui a connu « toutes les maladies de jeunesse d’une nouveauté » (aucun décès n’a cependant été constaté dans notre pays). Ses deux concurrents, promis pour le printemps, ont donc tenté d’en tenir compte pour améliorer encore les promesses de la petite pilule bleue.

L’un d’entre eux, issu de la même famille de molécules (et entaché des mêmes contre-indications médicales) doit, lui aussi, être pris une trentaine de minutes avant le rapport sexuel. Mais ses effets durent jusqu’à dix-sept heures et même davantage (trente-six chez certains hommes, qui, avec 3 pilules par semaine, disposeraient dès lors d’un traitement leur rendant une autonomie sexuelle). De plus, alimentation grasse et alcool ne contrarient plus les effets de cette pilule. « Bien qu’elle provoque, elle aussi, des migraines, elle offre donc une liberté plus grande encore qu’auparavant, avec une efficacité légèrement supérieure », remarque le Pr Opsomer. Enfin, le dernier produit annoncé, avalé trente minutes avant une relation sexuelle, procure des effets durant quatre à cinq heures, sans exclure de possibles migraines. Finalement, ce que les médecins espèrent, c’est que, parmi ces trois armes médicamenteuses, chaque patient trouve celle qui le satisfera le plus.

Deuxième grande solution proposée par les médecins: la possibilité d’injections intracaverneuses (dans la verge). En Belgique, un seul médicament de ce type existe. Après un écolage destiné à les aider à maîtriser cette technique, les patients savent qu’il suffit de s’injecter le traitement dix minutes avant de faire l’amour. L’érection se maintient tant qu’il reste du produit, même après éjaculation. Enfin, pour ceux chez qui pilules ou injections ne font pas l’affaire, il reste différents systèmes de pompes et de prothèses.

En général, les centres qui s’occupent des problèmes de dysfonctions sexuelles proposent une prise en charge globale, avec le concours de plusieurs spécialistes (y compris des psychiatres ou des psychologues). « J’estime également essentiel de voir la partenaire et de l’entendre », ajoute le Pr Opsomer.

Mais, au fait, que deviennent les quelques pour cent de patients à qui on ne propose pas de traitement symptomatique? « En général, on les opère car, dans leur cas, une microchirurgie de la verge avec, par exemple, l’apport d’une veine supplémentaire, règle le problème », explique l’urologue. Et donc, comme les autres, il peuvent alors faire l’amour quand il le veulent, s’ils le veulent.

Pascale Gruber

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