L’acier raconté à Zoé

Quelques mots simples et des images pour comprendre l’itinéraire d’une industrie fascinante et complexe

La sidérurgie (du grec sidêros, fer, et ergon, travail) est issue du mariage entre deux matières premières (le minerai de fer et le charbon), sous la houlette d’une inventivité humaine qui n’a cessé de leur appliquer des processus technologiques toujours plus sophistiqués.

Au XIXe siècle, la révolution industrielle, ses machines, ses chemins de fer et son gigantesque appétit de pièces métalliques de toutes sortes ont imposé l’abandon des fonderies artisanales au profit d’usines sans cesse plus imposantes. Très logiquement, ces industries s’installaient dans les régions où elles pouvaient disposer, en abondance, des matières premières à mettre en oeuvre. La proximité de voies navigables était un atout supplémentaire, pour transporter la production vers les marchés utilisateurs. Rien d’étonnant, dès lors, que les « maîtres de forges » se soient implantés à Liège, à Charleroi et à La Louvière, où le charbon affleurait sous leurs pieds et où l’on pourrait acheminer, à des coûts acceptables, le minerai de fer extrait en Lorraine. Sous l’égide, notamment, de l’ingénieur d’origine britannique John Cockerill (1790-1840), la sidérurgie wallonne a ainsi construit une puissance industrielle considérable, concourant de façon décisive au développement économique et social de la Belgique, du début du XIXe siècle aux années 1960.

Puis vint l’heure des crises. Le tarissement des mines de charbon et de fer ne laissait plus aux bassins wallons qu’un seul « avantage comparatif »: le savoir-faire de ses métallurgistes.. C’est beaucoup, mais trop peu lorsqu’il s’agit de faire venir, dans le sillon Sambre-et-Meuse, des millions de tonnes de minerais d’abord acheminés, par cargo, depuis des provenances aussi lointaines que le Brésil, l’Afrique du Sud ou la Mauritanie. Cela explique la délocalisation progressive de l’industrie sidérurgique vers des sites maritimes, où l’importation des matières premières et l’exportation des produits finis peuvent se réaliser sur des quais disposant d’un accès direct aux océans. Comme chez Sidmar, au nord de Gand. On s’en doute: l’économie de transport permet d’y réaliser un coût à la tonne nettement inférieur à celui des usines continentales. Voilà pourquoi le groupe Arcelor privilégie désormais les usines situées en bord de mer.

Comment ça marche

Les matières premières (charbon et minerai de fer) sont amenées sur les sites industriels situés au bord de la Meuse, en amont de Liège ( voir l’infographie). A Ougrée, une usine d’agglomération (1) prépare le minerai de fer pour lui donner les caractéristiques physiques propres à favoriser sa fusion dans le haut-fourneau. A Seraing, une cokerie (2) opère un travail comparable avec le charbon, transformé en coke. Le coke et le fer sont introduits dans les hauts-fourneaux (3) d’Ougrée et de Seraing, où la combustion du coke va provoquer la fusion du fer, transformé en fonte liquide. La coulée de fonte est alors recueillie dans de grandes « bouteilles thermos » (4) posées sur des wagons de chemin de fer. La fonte est ainsi transportée, sur une vingtaine de kilomètres, vers l’aval de Liège, jusqu’à l’aciérie de Chertal, bien visible depuis le viaduc autoroutier E 40 qui enjambe la Meuse (regarder à gauche quand on roule vers l’Allemagne). A l’aciérie, la fonte liquide est versée dans un convertisseur (5) qui, par des transformations physiques et chimiques (5 bis), la transforme en acier, un alliage métallique qui se prêtera à de multiples usages et transformations. De l’acier est également obtenu par la fusion de ferrailles (6) usagées (carcasses de voitures, etc.) dans un four électrique (7).

Une station d’affinage (8) ajuste alors avec précision la composition chimique de l’acier, en fonction de ses utilisations futures.

L’acier s’écoule ensuite dans une coulée continue (9) où il est moulé, partiellement refroidi et solidifié. On peut alors le couper en tronçons réguliers (10), en l’occurrence des brames (11) qui vont être réchauffées (12) pour leur rendre la plasticité nécessaire au laminage. Le laminoir à chaud de Chertal (13) est un « train à larges bandes » qui écrase et étire les brames malléables en les faisant passer par une série de cylindres qui les aplatissent de plus en plus, tout en les refroidissant progressivement à l’aide de projections d’eau. Le laminoir produit ainsi des tôles d’épaisseurs variables, qui s’enroulent à grande vitesse en formant de grosses bobines, les coils.

La sidérurgie à chaud s’arrête à ce stade. Les coils seront ensuite traités dans différents laminoirs à froid du bassin liégeois, où ils recevront les traitements (décapage, amincissement, revêtements divers…) nécessaires pour satisfaire les besoins du client (industrie automobile, électroménager, conserves alimentaires…)

Jacques Gevers

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