La théorie du complot politique garde des partisans

Pourquoi a-t-on tué André Cools ? Les ténors du PS liégeois appellent au respect de la vérité judiciaire. Mais, chez les anciens coolsiens, les doutes subsistent.

Le 7 janvier 2004, la cour d’assises de Liège rend son verdict. Richard Taxquet, chauffeur du ministre wallon Alain Van der Biest, et Pino Di Mauro, lui aussi chauffeur au cabinet du ministre, sont condamnés à vingt ans de prison. Les deux hommes sont considérés comme les cerveaux de l’assassinat d’André Cools, qui gênait leurs petits trafics. Domenico Castellino et Cossimo Solazzo, coupables d’avoir véhiculé et hébergé les deux tueurs tunisiens qui ont fait feu sur l’ancien président du Parti socialiste, écopent eux aussi de vingt ans de prison.

Aujourd’hui, les dirigeants du PS liégeois s’en tiennent tous à la vérité judiciaire établie par la cour d’assises, selon laquelle l’assassinat n’a rien, ou très peu, à voir avec la politique. Le mobile ?  » Un groupe mafieux infiltré dans un cabinet ministériel qui est dérangé, et qui supprime celui qu’ils pensent être à l’origine du dérangement, résume Willy Demeyer, bourgmestre de Liège et président de la fédération liégeoise du PS. Ce que je peux dire, de ce que je connais, c’est que cette version-là est plausible. Est-ce la bonne ? Je n’en sais rien. Mais je m’en contente. « 

 » En Belgique, il n’y a pas de tradition de violence politique. C’est un signe de bonne santé de notre démocratie « , appuie Jean-Claude Marcourt, ministre wallon de l’Economie. Comme pour clore un débat alimenté par ceux qui persistent à voir des motifs politiques dans la mort d’André Cools.  » La justice a démontré que le crime avait été organisé par des médiocres pour des motifs tout à fait médiocres. C’est dur d’admettre qu’un homme de sa qualité soit mort pour ces raisons-là. Malheureusement, je pense que c’est la réalité. Tout le monde devrait s’y résoudre, même si certains préféreraient qu’il soit mort pour des motifs encore plus noirs, qu’il ait été victime d’un vrai complot politique. « 

Même topo auprès d’Alain Mathot et de Michel Daerden, pour une fois d’accord.  » Quand on est démocrate, on ne peut pas remettre en cause la vérité judiciaire « , dit le bourgmestre de Seraing.  » L’instruction a débouché sur une vérité judiciaire. Pour moi, c’est la vérité. Sinon, ce n’est jamais fini « , ajoute Michel Daerden, ministre des Pensions.

Pourtant, une ombre subsiste. Alain Van der Biest, dans la mouvance duquel gravitaient tous les protagonistes de l’assassinat, s’est suicidé en mars 2002. Il n’a pu comparaître au procès, emportant ses secrets dans sa tombe. Fils spirituel de Cools, Van der Biest avait sombré dans l’alcoolisme et vouait une haine corse à son ex-mentor. Par ailleurs, un climat délétère régnait au PS liégeois à la fin des années 1980, opposant André Cools à Jean-Maurice Dehousse, José Happart et Guy Mathot. De quoi entretenir le doute des anciens coolsiens.

 » Du nouveau pourrait sortir « , assure Maurice Demolin, conseiller provincial et chef du groupe PS à Grâce-Hollogne. Comme secrétaire de la fédération liégeoise, il était en 1991 l’un des bras droits d’André Cools. Dans un livre récent (1), il évoque des  » réunions secrètes « , auxquelles auraient assisté des pontes du PS liégeois, juste avant et juste après l’assassinat.  » Je n’aime pas la théorie du complot, explique-t-il. Je dis simplement ceci : cherchez à qui le crime profite. Du point de vue politique, il a notamment profité à Guy Mathot, à Guy Spitaels, à Jean-Maurice Dehousse et à José Happart. Attention, cela ne signifie rien. En disant ça, je n’accuse pas. « 

Gaston Onkelinx pense lui aussi que toute la lumière n’a pas été faite sur le mort du maître de Flémalle.  » On connaît ceux qui l’ont tué, pas nécessairement ceux qui voulaient qu’il soit tué.  » Pour l’ancien député et bourgmestre de Seraing,  » Cools est mort pour des raisons politiques, point à la ligne « . Quant au reste, il voudrait savoir.  » Taxquet était quand même l’homme à tout faire de Van der Biest… Van der Biest s’est donné la mort. Pourquoi ? Et le rôle des autres ? Mon espoir, c’est qu’un jour on saura enfin pourquoi on a tué André Cools. Wait and see. J’ai 80 ans. Avant de partir, j’aimerais connaître la vérité. Cela me suffira.  »

(1) Procès Cools : Journal impertinent d’un témoin engagé, Clé – éditions littéraires.

FRANÇOIS BRABANT

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