La Terre a du grain à moudre

(1) Propos tenus lors du colloque  » De la recherche médicale au consommateur : un besoin de société « .

En Europe, 16 % des populations seraient affectées par des carences d’apport en iode. L’iodation systématique du sel alimentaire permettrait pourtant d’enrayer les troubles thyroïdiens et les retards de développement intellectuel causés par ces manques. En dépit des demandes répétées des spécialistes en nutrition, du Conseil supérieur d’hygiène et de l’Académie royale de médecine, la Belgique fait partie des Etats qui n’ont toujours pas décidé d’appliquer cette mesure de santé, pourtant simple… Cet exemple, cité par le Pr Jean Nève, directeur de l’institut de pharmacie de l’ULB (1), illustre à quel point on est loin, dans notre pays, d’une véritable politique alimentaire, cohérente, protectrice et susceptible de structurer les initiatives et recommandations nutritionnelles menées de-ci de-là.

L’enjeu, pourtant, est de taille.  » Les maladies cardio-vasculaires sont responsables de 42 % de la mortalité européenne : plus d’un tiers des décès des personnes concernées et ayant moins de 65 ans sont dus à l’alimentation. En effet, de mauvaises habitudes alimentaires concourent à élever le cholestérol sanguin, impliqué dans ces pathologies. Elles ont une influence particulière si elles se développent en plus d’une tabagie, d’hypertension, de surpoids et d’inactivité physique. En revanche, le rôle bénéfique d’une consommation suffisante de fruits et de légumes (plus de 400 grammes par jour), de céréales non raffinées et d’un apport optimal en certaines matières grasses n’est plus à démontrer « , précise le Pr Nève.

De plus,  » on a longtemps incriminé les mauvaises graisses, mais sans se préoccuper, à tort, des mauvais sucres : ils ont alors largement contribué à l’épidémie d’obésité et il est indispensable de s’en méfier davantage, ajoute le Pr Yvon Carpentier. Enfin, une augmentation des apports en oméga 3, grâce, par exemple, à la consommation de poisson, serait également bénéfique.  »

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a conçu une stratégie globale de prévention et de contrôle des  » maladies non communicables « . Elle vise trois facteurs principaux : le tabac, l’absence d’exercice physique et… une alimentation inadéquate.  » On sait que la nutrition est un facteur majeur et modifiable des maladies chroniques, souligne le Pr Nève. Son influence a des effets puissants sur la santé. L’alimentation détermine l’état de santé actuel et à venir. Longtemps, on a sous-estimé l’impact des interventions et des recommandations nutritionnelles. Ce n’est plus le cas : on constate que quelques années seulement suffisent à donner de bons résultats.  » La Norvège, par exemple, fait partie des pays qui ont renversé la tendance à la hausse de leur mortalité, grâce à une politique nutritionnelle efficace. En Belgique, les spécialistes attendent donc avec impatience que l’alimentation devienne, aussi et enfin, une priorité de santé publique. P.G.

Pascale Gruber

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