Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Les policières appâts… qui ne doivent pas porter de jupes

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

A Liège, depuis peu, la police utilise un « appât » pour coincer les harceleurs de rue. Or, la policière qui s’y colle doit se photographier pour prouver que sa tenue n’incite pas à commettre une infraction. Ah bon, les femmes seraient donc responsables du harcèlement qu’elles subissent ?

Ce serait comme laisser une voiture les portières grand ouvertes, les clés sur le contact. Ou volontairement laisser traîner une liasse de billets de 500, disons dans un supermarché, puis de sauter sur la personne qui l’aurait ramassée en beuglant «au voleur!». Ce serait alors une «incitation à commettre une infraction» et, en Belgique, c’est interdit. Pour coincer cambrioleurs et arnaqueurs, les policiers doivent donc faire preuve de subtilité.

Idem pour appréhender les harceleurs de rue. Pas question pour la policière chargée depuis plusieurs mois de les débusquer dans les rues de Liège (au premier décompte en mai dernier, elle en avait verbalisé 51), de les alpaguer avec un «hey! , chéri, j’ai envie de s**** ta grosse b***» puis de coller une prune à celui qui répliquerait d’un «petite sal***». Le parquet, plus tard, pourrait en conclure qu’il y a eu provocation.

Et le parquet, à Liège, est apparemment du genre pointilleux. Ainsi, lorsqu’il est appelé à se pencher sur ce genre de dossier, il examine la photo que la policière a préalablement prise d’elle-même et annexée au procès-verbal. Histoire de s’assurer qu’elle ne portait pas de jupe ni, sans doute, d’outrageux décolleté.

Le parquet vérifie-t-il également la beauté de l’agente? Parce qu’une fille trop jolie, si elle se ramasse un «t’es bonne» quand elle va faire ses courses à la supérette du coin, bah elle l’a bien cherché, le mec ne pouvait pas se contrôler face à tant de splendeur. Faut pas s’exciter, hein, madame, c’était juste un constat. Un compliment.

C’est vrai qu’il n’y a définitivement aucune raison de s’alarmer, sachant que le système judiciaire belge est tellement concerné par les violences de genre qu’il poursuit même, désormais, ceux qui posent une main non consentie sur une épaule féminine

Vraiment, pas la peine de s’inquiéter que la justice considère que la manière dont les femmes s’habillent puisse être une «incitation à commettre une infraction». Ni de se tracasser que ce genre de préjugés sexistes puissent avoir une influence dans des dossiers de viol et d’agression sexuelle. «Ah mais, Monsieur le juge, cette femme portait une jupe et des talons! C’est qu’elle cherchait à copuler, mon client s’est juste porté volontaire.»

Les députées Ecolo Julie Chanson et Claire Hugon s’en sont émues auprès des ministres de l’Intérieur (Annelies Verlinden, CD&V) et de la Justice (Vincent Van Quickenborne, Open VLD). Mais aucun des deux ne semble percevoir le problème: l’incitation à commettre une infraction est interdite, le parquet doit vérifier, circulez y a rien à voir. Et certainement pas un signe que les femmes seraient en partie responsables du harcèlement qu’elles peuvent subir dans la rue.

C’est vrai qu’il n’y a définitivement aucune raison de s’alarmer, sachant que le système judiciaire belge est tellement concerné par les violences de genre qu’il poursuit même, désormais, ceux qui posent une main non consentie sur une épaule féminine. Si, si. C’est Luc Hennart, le président du tribunal de première instance de Bruxelles, qui l’a scandé et répété – tout offusqué – sur les ondes de La Première, le 11 octobre dernier. Et l’avocate qui lui faisait face, Nathalie Gallant, n’a rien trouvé à lui répliquer, lorsque le présentateur l’a interpellée. C’est que ça doit être vraiment vrai.

Après tout, ce n’est pas comme si 53% des dossiers de viol en Belgique étaient classés sans suite (1). Qu’en est-il du nombre de dossiers pour «main sur épaule»? Seul Monsieur Hennart doit connaître la réponse.

(1) Statistique établie par le Conseil supérieur de la justice, entre 2010 et 2017. Dans 62% des cas, le classement sans suite est justifié par un manque de preuves, dans 16% des cas parce que l’auteur n’a pas pu être identifié et dans 8,5% des cas parce que le délit n’avait pas pu être établi.

Budget fédéral: la bonne nouvelle… et la mauvaise

Le budget fédéral présenté le 11 octobre aura des conséquences contrastée pour les femmes. La mauvaise nouvelle: le congé parental sera raboté (48 mois au lieu de 51) et devra être pris jusqu’aux 5 ans de l’enfant (et plus 8 ans). La bonne: la dégressivité du chômage durant le congé de maternité sera gelée. Jusqu’à présent, une femme sans emploi qui revenait à l’Onem après ses trois mois de congé de maternité était victime d’une pénalité dans ses allocations, comme si elle n’avait jamais quitté le marché de l’emploi. Une discrimination qui devrait donc disparaître en 2023.

7

millions d’euros (deux en 2023, cinq en 2024) ont été prévus dans le budget pluriannuel du gouvernement fédéral pour soutenir le développement des centres de prise en charge des victimes de violences sexuelles (CPVS). De trois implantations en 2020 à sept aujourd’hui, quatorze au total devraient être opérationnels «à terme», selon le cabinet de la secrétaire d’Etat à l’Egalité des genres, Sarah Schlitz (Ecolo). Au 31 décembre 2021, les CPVS avaient pris en charge 4 943 victimes.

Le masque rouge

Ah, TikTok et ses tendances saugrenues… La dernière en date: réaliser des masques du visage avec son sang menstruel. Des tas de filles s’affichent, depuis quelques semaines, le visage tartiné de rouge sur le réseau social. Assurant que leur peau n’a jamais été si belle. Bon, déjà: les règles n’ont rien de sale, mais contiennent des bactéries qu’il n’est pas trop conseillé d’étendre sur sa face. Puis: si on arrêtait de considérer les menstruations comme quelque chose de quasi mystique?

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