La Russie, malade de sa déchéance

La Russie mérite mieux que nos errements. L’Union européenne ne peut pas plus ignorer l’autre moitié de son continent qu’elle ne peut embrasser Vladimir Poutine au seul prétexte que la Russie reste une puissance. Loin de ces deux erreurs, l’Europe a besoin d’une politique russe qui demande, d’abord, un diagnostic. Il est sombre.

La Russie va mal. Elle tourne le dos à la démocratie, court vers son passé autoritaire et le fait si consciemment que, même si l’élection du dimanche 14 mars n’était pas truquée, même si les chaînes de télévision n’étaient pas sous contrôle, même si les autres forces politiques n’étaient pas empêchées de faire campagne, Vladimir Poutine serait réélu, moins bien qu’il le sera, mais réélu.

La Russie soutient ce président venu de l’appareil policier, car, depuis 1989, elle a non seulement perdu ses marches d’Europe centrale mais aussi l’Ukraine, la Biélorussie, l’Asie centrale, des pays qui avaient constitué son empire bien avant de devenir des républiques soviétiques. La Russie s’est défaite du jour au lendemain et, pis encore, son ancienne classe dirigeante est devenue classe possédante en s’appropriant les richesses nationales au nom du passage à l’économie de marché.

Humiliée, doublement dépossédée, la Russie veut obtenir de ses nouveaux riches qu’ils rendent gorge, ne plus céder, surtout, un pouce de territoire et se reconnaît donc dans ce président tout en muscles qui promet de mater les Tchétchènes et jette en prison l’homme le plus riche du pays. Il est brutal et sans scrupules ? Ne s’attaque qu’à ceux des oligarques qui ne lui ont pas fait allégeance ? Instaure un régime policier ? Noie la Tchétchénie dans le sang ? Les Russes le savent, mais, à tout prendre, ils préfèrent le despotisme à la disparition de l’Etat, l’arbitraire à l’anarchie.

Malade de sa déchéance, ce pays a besoin qu’on lui parle vrai. Dans nos relations avec la Russie, nous ne pouvons pas continuer à ignorer tous nos principes, à traiter Vladimir Poutine en démocrate comme nous traitions Boris Eltsine en héros des libertés et du marché. C’est ainsi que nous avions dégoûté les Russes de nos valeurs et permis la régression qu’ils connaissent aujourd’hui. Nous ne pouvons pas pour autant nous détourner du plus grand pays du monde alors même que nous trouvons toutes les vertus aux dirigeants chinois.

Non seulement la Russie est l’autre pilier d’un continent, le nôtre, qui n’organisera ni sa stabilité ni son environnement sans elle, mais, si elle retourne à la dictature, la Russie n’en revient pas au totalitarisme. C’est une société en mouvement, diversifiée, travaillée de conflits et d’aspirations contradictoires, qui, un jour, reprendra sa marche vers la démocratie. Il faut l’accompagner sur ce long chemin, y défendre nos idéaux, moins embrasser Vladimir Poutine et plus développer nos échanges, économiques et culturels, avec la Russie, moins fermer les yeux sur ses vertiges et l’ancrer davantage à l’Europe en la considérant comme le partenaire qu’elle doit être.

Eric Chol

A tout prendre, les Russes préfèrent le despotisme à la disparition de l’Etat, l’arbitraire à l’anarchie

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