La prière comme appel

L’incroyant que je suis sent parfois le besoin de prier, irrésistiblement. Comment expliquer cela ?

V. Fonck-Bertiaux, par e-mailPrier est un sentiment originaire et profond. Il exprime mon besoin d’être compris, secouru, protégé… aimé. Au-delà des rodomontades du moi, il dit la (re)connaissance de ma faiblesse, de mes manques, de la solitude insupportable. Plus généralement, j’en appelle à l’autre û connu ou inconnu û parce qu’il est en mesure de faire ce que je ne puis faire seul… ou de piètre façon. La prière est un aveu, un aveu désiré. S£ur de la pitié, elle dit le besoin que j’ai des autres. Je m’en remets à leur humanité car je ne suis que faiblesse. Mes défenses tombent. L’autre n’est plus mon rival, mon ennemi, il est mon sauveur. Cette humilité n’est pas feinte, elle est l’envers de mon audace, de mon orgueil, de mon esprit de conquête.

Cet appel ne concerne pas seulement un proche, un semblable û fût-il étranger ou hostile û mais tout existant possible. Dès les premiers âges, nos ancêtres invoquaient les forces de la nature, les esprits, tout à la fois dangereux et accueillants. Ils n’ont pas tenté de comprendre ces maîtres de l’univers  » vaste et terrible « , mais de s’en remettre à eux. Pour ne pas faire d’impair, ils ont appris à distinguer entre ces démiurges inégaux qui tenaient leur destinée en main. Ils ont établi une hiérarchie entre eux comme s’ils cherchaient à coup sûr à s’adresser à qui de droit. Encore fallait-il faire entendre sa voix jusqu’au plus haut. Telle est la fonction de la prière. Elle va où il faut. Elle ne s’égare pas. Plus qu’une demande, elle est la reconnaissance de mon état inférieur (ô combien !). Elle ne prétend pas à un échange d’égal à égal. Elle exprime une double réalité : celle de ma faiblesse et la gratuité généreuse de la puissance qui accepte de lui porter aide.

L’essentiel de ce lien singulier réside dans la reconnaissance de mon incapacité à suffire à moi-même. Je ne suis pas un héros. Mon for intime sait que mes peurs sont plus fortes que mes certitudes, mes méprises que mes choix judicieux, mes abandons que mes fidélités. Dans ces conditions, comment  » faire avec  » si l’en-dehors ne vient à la rescousse. Encore faut-il que je l’appelle comme celui qui se noie appelle au secours. Faut-il pour autant croire en un dieu qui exprime toute la charité de qui répond à la prière ? L’idée ineffable qu’il y a quelque chose û hors de moi û qui m’écoute suffit pour dire mon besoin de l’autre.

Autrement dit, la prière consacre tout autre comme celui qui est attentif à ma peine ; prononcée dans le silence du c£ur, cet appel secoue le silence des cieux comme l’espoir atténue la crainte de la mort.

Jean Nousse

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