L'année dernière, Catherine Salée avait été conquise par l'exercice de la lecture à voix haute sur scène. Elle réitère l'expérience, cette fois avec A la folie, de Joy Sorma. © DR

La petite musique du livre

Par la lecture de romans à voix haute, l’Intime festival, qui se tiendra du 26 au 29 août à Namur, entend mettre la littérature sur scène. Lire un roman en public demande un travail de préparation précieux pour partager le propos mais aussi la musicalité d’un auteur.

Quelques semaines avant sa prestation, Catherine Salée découvre le texte de Joy Sorman, A la folie (paru chez Flammarion), récit-témoignage d’une immersion de l’autrice française dans une institution psychiatrique, déclinée en témoignage de ses résidents. L’actrice le lira à voix haute lors de la neuvième édition de l’Intime festival. Elle a été conquise par l’exercice l’année dernière, par sa lecture d’ Avant que j’oublie d’Anne Pauly. Dans le choeur de la cathédrale Saint-Aubain, à Namur, la comédienne active au théâtre et au cinéma avait savouré ses retrouvailles avec un « vrai public », sur scène. Un plateau presque nu pour une lecture à voix haute partagée. Le festival créé dans la capitale wallonne par Benoît Poelvoorde et Chloé Colpé s’en est fait la spécialité et enrichit chaque année sa programmation de nouvelles découvertes littéraires (lire l’encadré). Catherine Salée n’a pas hésité à réitérer l’expérience. « J’aime bien l’intimité de la table et de la lampe de bureau. Dans ma prochaine lecture, je chercherai aussi à mettre de l’intimité. Lire est quelque chose qui se fait normalement seul, confie-t-elle. C’est assez particulier d’emmener les gens dans un roman, de leur faire sentir le rythme. »

Le côté merveilleux de la lecture, c’est d’être libre, de s’arrêter ou d’accélérer quand on veut. Mais lire ça n’a l’air de rien.

Le rythme, Sylvie Ballul en a bien conscience. Après avoir sélectionné les romans avec Chloé Colpé, c’est à elle que revient la délicate tâche de les adapter – « Ce travail est une boucherie », plaisante-t-elle – pour qu’ils soient délivrés au public. Les mises en scène étant généralement sobres, l’équipe organisatrice du festival sait que pour garder l’écoute du public, une grande lecture ne doit pas dépasser l’heure (une demi-heure pour les « petites lectures »). Au-delà, on risque de perdre l’oreille de l’audience. Après avoir lu de nombreuses fois les romans choisis, Sylvie Ballul fait le choix de renoncer à tel ou tel passage de l’ouvrage, avec pour seul mot d’ordre: ne pas trahir l’auteur. « Le montage et le découpage sont évidemment subjectifs, prévient celle qui aime parler de musicalité du texte. De mon expérience d’actrice m’est resté le plaisir d’être sur une scène. Sur l’oralité, je me fais donc confiance. Je lis beaucoup le texte à voix haute. Je me mets à la place du lecteur mais aussi de l’auditeur. Etre mélomane m’aide certainement. » Faire entendre la petite musique du livre, c’est la mission que s’est donnée le festival.

L'année dernière, Catherine Salée avait été conquise par l'exercice de la lecture à voix haute sur scène. Elle réitère l'expérience, cette fois avec A la folie, de Joy Sorma.
L’année dernière, Catherine Salée avait été conquise par l’exercice de la lecture à voix haute sur scène. Elle réitère l’expérience, cette fois avec A la folie, de Joy Sorma.© DR

Préparatifs

L’Intime festival tient à un minimum de répétitions de chaque lecture. L’exercice est plus difficile qu’il n’y paraît. « Ça n’a rien à voir avec une préparation pour une pièce ou pour un film », explique Catherine Salée. D’abord, elle lit le texte plusieurs fois seule, ensuite devant des auditeurs attentifs. « Deux jours avant le festival, je lis devant Sylvie Ballul. J’aime son retour. On ajuste parfois un peu le texte. » « Lors des répétitions, j’écoute avant tout, et je dis ce que j’entends, ajoute Sylvie Ballul. Le côté merveilleux de la lecture, c’est d’être libre, de s’arrêter ou d’accélérer quand on veut. Mais lire ça n’a l’air de rien. » D’où l’importance de faire le bon choix du comédien lecteur. On peut être bon acteur mais mauvais lecteur. « C’est pourquoi nous choisissons seulement des comédiennes et comédiens que nous avons vus jouer. »

Le 28 août, jour de la lecture de son roman, Joy Sorman écoutera attentivement Catherine Salée sur la scène de la grande salle du Théâtre de Namur. D’habitude, c’est elle qui lit ses textes, souvent accompagnée de musiciens. C’est la première fois qu’elle entendra ses mots dans la bouche d’une autre. « Je n’ai aucune attente particulière, nous dit la romancière. Je suis presque soulagée d’être déchargée de la lecture. J’espère découvrir des sentiments nouveaux que je n’avais pas soupçonnés. » Elle n’a pas souhaité voir le découpage du roman et fait confiance: « Quand un artiste s’empare du texte, je le laisse faire. Je me retire du jeu. L’idée n’est pas de me faire plaisir à moi. » Chacun viendra donc avec son écoute personnelle, attentive, ses attentes, son humeur du jour. La romancière sera curieuse des retours du public sur son livre, lors de l’entretien qui suivra. Pour Sylvie Ballul, tout peut être lu à voix haute. La lecture publique est une manière de rendre le texte plus accessible. « Notre objectif est de donner envie aux spectateurs de lire à la sortie de la performance. » Noble objectif.

Retour à la normale

Après une édition 2020 « confinée » dans les églises namuroises, l’Intime festival revient cette année au Théâtre de Namur. C’est un spectacle théâtral et musical qui ouvrira l’événement littéraire, le 26 août. Pour Liberté, j’aurai habité ton rêve jusqu’au dernier soir, l’écrivain sénégalais Felwine Sarr réunit les appels à la liberté de René Char et Frantz Fanon. Introduction à une programmation qui accompagnera la rentrée littéraire, dont les nouveaux romans de Sébastian Barry, Antoine Wauters, Timothée Stanculescu ou Gianfranco Calligarich. Au rang des lecteurs et lectrices notables, Michel Vuillermoz lira l’autobiographique Alegria de Manuel Vilas, Dirk Roofthooft rendra sensible la violence contenue dans Le Bois de Jeroen Brouwers, le duo Nicolas et Bruno partagera l’absurde de la BD Zaï zaï zaï zaï de Fabcaro, Anna Mouglalis et Micha Lescot enfileront la correspondance des Liaisons dangereuses. Sans oublier les projections et expositions dont celle, très attendue, de Mathieu Pernot qui, avec Les Gorgan, plonge dans l’existence d’une famille rom. A voir au Delta.

Du 26 au 29 août, à Namur.

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