La petite musique du cash

Ses manuscrits et partitions originales se vendent à prix d’or ; son répertoire et ses biographies s’arrachent : la griffe W. A. M. fait toujours recette

Je dois maintenant descendre du premier étage chez Mme von Trattner à une académie pour laquelle j’ai reçu commission de tout organiser « , écrit Wolfgang à son père le 8 mai 1774. Il lui dit aussi qu’il attend avec  » impatience  » ses  » boucles de chaussure « . Garnies de pierreries, elles sont un cadeau du prince de Fürstenberg. De vrais bijoux. Mais leur valeur de l’époque était sans doute bien inférieure à celle qu’a prise aujourd’hui le précieux manuscrit. Cette lettre, Thierry Bodin – l’érudit qui dirige les Autographes à Paris – l’a vendue 100 000 A en décembre 2004. On s’arrache les pièces de la volumineuse correspondance du musicien au ton souvent vif, argumenté, précis, spirituel. Mais les partitions originales de ce musicien de génie restent plus recherchées encore que les lettres : non seulement parce que, langage universel oblige, leur marché est mondial, mais aussi parce qu’elles sont une source inestimable pour les musicologues.

Un vrai scoop pour le monde musical

En 1991, un fragment de manuscrit a ainsi permis de retrouver une cadence de concerto pour cor, cadence pour laquelle, jusque-là, le corniste était obligé d’improviser. Un vrai scoop pour le monde musical :  » Même s’il ne s’agit pas d’£uvres capitales, ce sont évidemment des manuscrits qui ont beaucoup de valeur « , estime Bodin, qui place en tête des best-sellers Mozart et Beethoven. Autant dire qu’au début de ce mois Steven Roe, responsable du département musique de Sotheby’s – il a en 1987 vendu les manuscrits de neuf symphonies de Mozart pour 2,35 millions de livres – attendait l’affluence des grands jours lors de la mise aux enchères de la collection du plus grand libraire musical de Londres. Et qu’il n’a pas été déçu, avec une recette supérieure à 2 millions de livres. Ainsi, la lettre où Mozart, durant son séjour à Paris, laisse pour la première fois percer son amour pour Aloysia Weber, s£ur de Constance, s’est vendue 108 000 livres.

Mais Mozart n’est pas un best-seller que pour les collectionneurs. Son nom est une musique également douce aux tiroirs-caisses des éditeurs et des maisons de disques :  » Ce qui s’est produit en 1991 avec le bicentenaire et ses répercussions médiatiques reste un phénomène unique dans l’histoire du disque « , se souvient Philippe Pauly, chez Universal Music, qui, avec, notamment, Deutsche Grammophon, Decca, Philips, Accord, réalise 15 % des ventes de son groupe dans le classique, lequel ne représente pourtant que 5 % du marché total du disque. Mais Pauly n’attend guère que le miracle de 1991 se renouvelle. Pourtant, même si ces années-là furent aussi celles de l’apogée du CD et du renouvellement des discothèques, 2006 ne s’annonce pas si mal : l’intégrale de Brilliant Classics à moins de 100 A fait un malheur (voir page 98) et, en vendant la sienne à 600 A, pratiquement deux fois moins cher qu’en 1991, Philips lui aussi peut nourrir les plus grands espoirs. Déjà, ce dernier compte sortir en 2006 une nouveauté, disque ou DVD, pratiquement chaque mois : concertos avec Anne-Sophie Mutter, opéras, telle une nouvelle Flûte enchantée dirigée par Claudio Abbado.

Mozart garnit aussi les rayons des bibliothèques. La biographie de Jean et Brigitte Massin (1970) est, avec 60 000 exemplaires (deux fois plus que Beethoven), le best-seller de la collection Musique de Fayard, lequel réédite pour l’occasion les deux livres majeurs de H. C. Robbins Landon, 1791. La dernière année de Mozart et le Dictionnaire Mozart. Perrin, de son côté, ressort l’album de Jean des Cars Sur les pas de Mozart : 20 000 exemplaires vendus en 1991. Et en 2006 ?

Sabine Delanglade

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