La parodie tchétchène

La plupart des candidats aux législatives sont à la solde de Moscou. Qui tente d’imposer la fiction d’un règlement politique

La Tchétchénie en guerre détient sans doute le record mondial du recours aux urnes. Après un référendum et deux scrutins présidentiels, des législatives auront lieu le 27 novembre, quatrième simulacre de consultation organisé par Moscou depuis le déclenchement, à l’automne 1999, de la seconde offensive militaire russe des années postsoviétiques. Officiellement, 596 000 électeurs, dont plusieurs dizaines de milliers recrutés au sein des forces d’occupation, auront à pourvoir les 58 sièges des deux chambres, l’Assemblée populaire et le Conseil de la République. La plupart des quelque 350 candidats sont des officiels ou des employés de l’administration tchétchène à la solde de Moscou. Une poignée d’officiers russes et deux ou trois anciens  » rebelles  » complètent le tableau. Parmi ces derniers, Ibragim Khultigov, un temps responsable des services de sécurité du gouvernement d’Aslan Maskhadov, destitué puis dégradé par ce dernier en 2000 pour  » refus de participer au combat « , et l’ex-ministre de la Défense indépendantiste, Magomed Khambiev, contraint à la reddition en 2004 pour épargner la torture et la mort à une trentaine de ses proches, kidnappés par les nervis de Ramzan Kadyrov, premier vice-Premier ministre à la solde de Moscou.

La seule fonction de ce scrutin est de parachever la parodie d’un règlement politique, selon les plans du Kremlin. En visite ce mois-ci aux Pays-Bas, Vladimir Poutine a clamé que la Russie servait, en Tchétchénie, de bouclier antiterroriste à l’Europe :  » Nous défendons nos intérêts et les vôtres.  » Là-dessus, il a amèrement reproché aux  » structures européennes  » leur refus d’envoyer des observateurs sur place lors des précédentes consultations. Le 27 novembre, seuls cinq ou six parlementaires du Conseil de l’Europe, dépourvus d’un tel mandat, se rendront en Tché-tchénie. L’un des porte-voix du Kremlin, Konstantin Kosachev, chef de la délégation russe au Conseil, est allé récemment expliquer à des membres du Congrès américain qu’après le référendum en Irak et les législatives en Afghanistan, jugés satisfaisants au regard des normes démocratiques, la Russie attendait un soutien, dans les mêmes termes, au  » processus politique  » à l’£uvre en Tchétchénie.  » Toute autre évaluation ferait le jeu des terroristes.  »

Pendant ce temps, le 9 novembre, les forces fédérales ont arrosé  » par accident  » à l’artillerie lourde la localité de Starye Atagi, blessant six résidents dont une petite fille, dans un état grave. Une semaine plus tard, dans les faubourgs de Grozny, une dizaine de militaires russes ivres abattaient délibérément trois civils sans arme. Au nord du Caucase, la violence gagne l’ensemble des républiques ; les djamaat, organisations militaro-religieuses, se multiplient. Vladimir Poutine récolte ce qu’il a semé.

S. P.

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