La paix des familles

Oubliées les poursuites judiciaires, la demande de mise sous tutelle, les accusations contre François-Marie Banier… Coulisses d’une réconciliation mère-fille qui fait aussi la part belle aux héritiers de la milliardaire.

Il n’y a plus d’affaire Bettencourt. La mère multimilliardaire ne déteste plus la fille, son unique héritière. Liliane Bettencourt n’en veut plus à Françoise Bettencourt-Meyers. Et le photographe François-Marie Banier est lavé du soupçon d’avoir abusé de la faiblesse d’une vieille dame, l’une des premières fortunes de France. L’artiste conserve même les dons que lui avait faits Liliane Bettencourt, dont plus de 200 millions d’euros sous la forme de deux contrats d’assurance-vie. Ce coup de théâtre est venu, lundi 6 décembre, mettre un terme à trois ans d’une bataille féroce.

Jusqu’à ces derniers jours, rien ne laissait présager un tel happy end au feuilleton qui a tenu l’opinion en haleine avec ses rebondissements, ses personnages hauts en couleur, ses affrontements feutrés ou au grand jour, à coups de déclarations rarement pesées au trébuchet de la modération et de la prudence. Il n’a pourtant fallu que quelques heures pour en finir avec les rancunes disséminées dans de multiples plaintes en justice. A l’issue de premiers contacts informels remontant à quelques semaines, les avocats des différentes parties sont parvenus, pendant le week-end des 4 et 5 décembre, à divers accords couverts par des clauses de confidentialité.

La première série de compromis concerne le retrait des plaintes pour  » abus de faiblesse  » déposées par Françoise Bettencourt-Meyers contre François-Marie Banier, et l’ex-avocat de sa mère, Me Fabrice Goguel. En contrepartie, ceux-ci ont abandonné les procédures qu’ils avaient eux-mêmes engagées. Le photographe avait ainsi porté plainte pour  » subornation de témoin », le 20 septembre, et  » faux témoignage « , le 17 novembre, contre ses accusateurs, des employés de Liliane Bettencourt. Dans leurs déclarations à la police, sept d’entre eux accréditaient le soupçon d’un Banier abusant des largesses de sa richissime amie. Mais leurs dépositions étaient suspectées d’avoir été préparées dans le cabinet d’un avocat. Par ailleurs, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, lui aussi second rôle très en vue du feuilleton, est écarté. Il quittera ses fonctions le 31 décembre.

Un autre accord traduit la réconciliation familiale autour de l’enfant chéri de Liliane Bettencourt, L’Oréal. Jean-Pierre Meyers, le mari de Françoise, est nommé directeur général de Téthys, le holding qui détient 31 % du capital de la multinationale des cosmétiques (voir l’encadré). Outre son gendre, Liliane accueille ses deux petits-fils au conseil de surveillance. Dont elle se réserve cependant la présidence. Enfin, Françoise Bettencourt-Meyers renonce à la mise sous tutelle de sa mère, qu’elle avait pourtant demandée à trois reprises.

Pour sceller ce retour aux bons sentiments, les deux femmes ont publié un communiqué dans lequel elles disent leur souhait de  » retrouver l’harmonie familiale « .  » La décision que Françoise et moi avons prise est pour moi source d’espérance, précise Liliane [à] Nous allons ensemble pouvoir aller de l’avant. Pour notre bien commun, et pour L’Oréal, qui fait tant partie de ma vie. « 

Comment expliquer cet incroyable revirement ? Selon plusieurs sources proches du dossier, Liliane Bettencourt avait adressé un premier signe à sa fille, lors d’un entretien publié dans l’hebdomadaire Paris Match, le 30 septembre dernier. Ses propos semblaient trahir une forme de lassitude du combat et la volonté d’en finir avec les dissensions. La milliardaire avait ainsi ouvert la voie à une reprise du dialogue.

L’Oréal aurait aussi joué son rôle dans les retrouvailles. En dépit de l’exposition sur la place publique de la querelle familiale, le cours de l’action et les résultats n’ont pas été affectés. En revanche, l’image de la multinationale spécialisée dans la beauté a été singulièrement enlaidie, comme l’a montré une étude faisant reculer l’entreprise du 6e au 22e rang des sociétés françaises selon ce critère. Il n’est pas impossible que les autres actionnaires aient exercé des pressions pour que soit trouvé un arrangement. Il s’agissait d’abord de  » mettre fin à toute polémique « , assure toutefois Me Olivier Metzner, le défenseur de Françoise Bettencourt-Meyers, pour justifier les accords passés entre les parties.

Eric Woerth demeure mis en cause

Ces désistements réciproques ne feront cependant pas disparaître tout le dossier dans le néant judiciaire. Le 17 novembre, la Cour de cassation a dépaysé de Nanterre à Bordeaux l’ensemble des procédures liées à l’affaire Bettencourt. Si l’enquête sur un éventuel abus de faiblesse contre la milliardaire semble désormais enterrée, d’autres volets restent judiciairement vivants : le trafic d’influence, le vol, l’escroquerie ou l’abus de confiance au préjudice de Liliane Bettencourt, le financement illicite de parti politique. L’ancien ministre français du Travail et trésorier de l’UMP, Eric Woerth, demeure ainsi mis en cause.

Selon leurs avocats, Liliane et Françoise Bettencourt devaient se retrouver, lundi 6 décembre, dans un tête-à-tête mère-fille. Refaire le chemin l’une vers l’autre, elles qui, voisines à Neuilly, ne se parlaient plus depuis des mois.

PASCAL CEAUX ET JEAN-MARIE PONTAUT

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