La monoparente

Une petite maison proprette dans une calme commune bruxelloise, un jardinet fleuri : Colette est ravie. La fin de seize ans de dèche ? En tout cas, le temps d’une certaine sérénité et de moins de soucis matériels pour cette pétillante petite dame blonde, maman de 39 ans, qui vous montre fièrement les photos de ses deux û beaux û garçons : Jonathan, 17 ans, et Morgan, 7 ans.

La galère, Colette connaît bien, même si, lucide, elle reconnaît sa part de responsabilités.  » A 20 ans, j’étais très indépendante. Je suis partie en Italie, je suis tombée amoureuse et, très vite, je me suis retrouvée enceinte. J’étais d’une insouciance totale. La naissance approchant, j’ai voulu rentrer en Belgique. Et j’ai donc élevé Jonathan seule.  » A Bruxelles, Colette travaille dur, dans le paramédical :  » L’aide aux personnes, dans les hôpitaux et maisons de repos, c’est mon truc, lance-t-elle. J’aime vraiment ça ; mais c’est très mal payé.  » Pour faire bouillir la marmite, Colette travaille de jour… et de nuit. Le soir, elle emmène son bébé dans le home où elle fait des gardes de nuit.

Et puis, un jour, Colette rencontre un monsieur : le coup de foudre… et un deuxième enfant. Une nouvelle vie ?  » Pour moi, explique Colette, c’était la passion. Il était, lui aussi, père d’un enfant, dont je me suis occupée en même temps que des miens.  » Mais le père ne rapporte pas d’argent à la maison, échafaude de fumeux projets qui ne prennent jamais forme et laisse la mère assumer seule toute la famille. La situation se détériore. Colette s’en va, avec ses deux fils : plus d’argent, plus de boulot. Un grave accident de voiture vient encore ajouter aux soucis, d’autant plus que Colette n’a jamais perçu 1 franc de la pension alimentaire à laquelle elle a droit.

En 2002, elles étaient 400 649 mères, en Belgique, à élever seules des enfants, dont 50 000 en région bruxelloise. Les pères seuls, eux, se chiffrent à 140 692 (13 000 à Bruxelles). Les  » familles monoparentales  » représentent 15 % des familles belges, soit une hausse de 75 % par rapport à 1983. Sur l’ensemble de l’Union européenne, c’est le Royaume-Uni qui compte le taux le plus élevé : 24 % de familles monoparentales, la Grèce ayant le taux le plus bas : 7 %. Ces familles européennes sont, dans leur grande majorité, constituées de mères seules avec enfants (84 %).

Pour ces centaines de milliers de mères, le quotidien relève de la haute voltige : lever les enfants, faire les repas-tartines, les conduire à l’école, aller bosser, les courses, les tâches ménagères, les devoirs, les comptes, les repas et, bien sûr, l’histoire et le câlin du soir. Sans compter les activités sportives et autres, les goûters d’anniversaire, etc. Et, lorsqu’un petiot tombe malade, bonjour la débrouille ! Le pire, pour une maman ? Tomber elle-même malade.

Colette ne veut cependant pas s’appesantir sur ses seize  » années noires  » :  » J’ai toujours regardé le côté positif des choses. Et puis, la lecture m’a sauvée ! Je dévore tout.  » Jonathan et Morgan vont dans une bonne école, où leur maman fait un peu de bénévolat. Alors qu’elle peut enfin se permettre d’aménager dans un logement qui lui plaît, Colette déborde de projets. Elle désire fonder, avec des collègues, une équipe de soins à domicile pour personnes âgées ou invalides. Ensuite, elle aimerait participer à la création d’une association pour mamans seules.  » L’entraide, dans nos situations, c’est si important. Et puis, pourquoi n’aide-t-on pas davantage les femmes qui ne touchent pas de pension alimentaire ?  »

Justement, le gouvernement a récemment décidé d’élaborer des mesures afin que la pension alimentaire puisse être perçue, en partie, par la voie fiscale. Et pour cause : en 2001, une étude de l’université de Liège révélait que 58,5 % des femmes touchaient une pension alimentaire chaque mois, que 20 % ne l’avaient reçue que quelques fois, et 21,5 %, jamais ! Cette enquête précise en outre que  » la monoparentalité est la situation la plus représentée dans les populations précarisées. De fait, les foyers pauvres sont majoritairement constitués de femmes seules avec enfants. Ces ménages cumulent les discriminations et les inégalités « .

Le plus dur, cependant ? Colette répond sans hésiter :  » La solitude ! Une fois qu’on a fini sa journée et que les enfants sont couchés, on aimerait, aussi, recevoir un peu de tendresse. Mais moi, comme la plupart des mamans dans ma situation, j’avance avec ça : le sourire de mes enfants !  »

Elisabeth Mertens

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