La guérison chilienne

Une socialiste face à un candidat de droite qui ne doit rien à Pinochet : le deuxième tour de la présidentielle marquera le début d’une nouvelle ère

L’élection présidentielle chilienne a clos l’ère Pinochet. Définitivement. Tel est le principal enseignement du premier tour de scrutin, le 11 décembre, où, derrière le succès de la socialiste Michelle Bachelet – elle totalise 46 % des voix – se jouait également une instructive primaire à droite, entre conservateurs et modernistes. A l’issue de ce  » match dans le match « , l’outsider non pinochétiste Sebastian Piñera (25,5 %) a devancé l’ultralibéral Joaquin Lavin (23 %), dont la discrète filiation avec l’ancien dictateur explique sans doute le net recul par rapport à son score de la dernière présidentielle.  » Depuis le départ de Pinochet, en 1990, le Chili se trouvait dans une phase de transition, estime le Chilien Rodrigo Contreras, chercheur associé à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris. L’ombre tutélaire de l’ex-homme fort planait encore sur le pays et son influence continuait de s’exercer. Cette transition est maintenant achevée.  »

Processus lent, la  » dépinochétisation  » commence par l’électrochoc de son arrestation à Londres, en 1998. Niée par une partie du pays, la question des violations des droits de l’homme vient alors sur la place publique. Un an plus tard, l’élection de Ricardo Lagos au palais de la Moneda marque la deuxième étape. L’avènement du premier président socialiste depuis Salvador Allende n’est pas seulement symbolique. Lagos tient à démontrer que les socialistes chiliens, avec leurs partenaires chrétiens-démocrates, sont capables de gérer le pays. Objectif largement atteint, qui lui permet aujourd’hui de placer sur orbite Michelle Bachelet. Lors du 30e anniversaire du putsch de 1973, un nouveau pas est franchi lorsque Lagos, toujours lui, fait sauter un tabou : il réhabilite Allende, jusque-là effacé de la mémoire collective.  » Il y a alors eu une re-légitimation du discours de gauche « , observe Rodrigo Contreras. Vient enfin le coup de grâce : en 2004, les révélations sur les comptes secrets de la famille Pinochet placés à la banque Riggs achèvent de discréditer le patriarche multimillionnaire qui avait toujours pris soin de cultiver, avec succès, l’image d’un homme au train de vie modeste.

 » Pinochet ? Il n’existe plus « , déclarait à juste titre Lagos le mois dernier. A quelques semaines du second tour, le 15 janvier 2006, c’est une bonne nouvelle. Pour le pays tout entier.

Axel Gyldén

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