La guérison au banc d’essai

Triste constat, révélé par une toute nouvelle étude : en Belgique, parmi les déprimés qui bénéficient d’un traitement, un tiers seulement sont en rémission. Et peuvent donc espérer une réelle guérison

(1) Oreon ( Objective Remission in Depression) est due à l’initiative du laboratoire Wyeth Pharmaceuticals.

Le chiffre a de quoi donner le blues : dans notre pays, 67,1 % des patients dépressifs qui suivent un traitement (associé ou non à une psychothérapie) n’atteignent pas, à court terme, une rémission. Cela signifie que leurs symptômes n’ont pas suffisamment diminué ou disparu et qu’ils les empêchent donc de retrouver un fonctionnement  » normal « . En clair : d’être guéri et de  » vivre  » !

Menée sur 3 000 patients, avec la collaboration de 300 généralistes et de 60 psychiatres, l’étude Oreon (1) vient de livrer des résultats obtenus auprès de 1 397 personnes. Plus de 80 % de ces hommes et de ces femmes, suivis pour dépression depuis au moins trois mois et jusqu’à un an, disent toujours souffrir d’anxiété, d’humeur dépressive, de problèmes physiques persistants, d’un sentiment de culpabilité, d’anxiété psychique, d’idées suicidaires, d’une perte de leur productivité. Or, pour que la thérapie soit jugée efficace, les symptômes dépressifs devraient avoir complètement disparu ou presque…

 » En Belgique, 1 patient sur 7 souffre de dépression « , rappelle le Pr Marc Ansseau, psychiatre et professeur à l’université de Liège. Une étude a confirmé récemment que seuls 40 % de ces déprimés sont dépistés et reçoivent alors un traitement. A ce premier bilan, déjà inquiétant, s’ajoutent donc les constats d’Oreon. Implacables. A la décharge des médecins, on dira que certains facteurs n’ont que peu à voir avec eux. Ainsi, Oreon confirme que, pour sortir d’une dépression, mieux vaut se trouver dans de bonnes conditions socio-économiques que dans la dèche : seuls 17 % des chômeurs atteignent une rémission, pour 39 % d’employés.

Pour le reste, les résultats confrontent le corps médical (et parfois les malades) à un certain nombre d’insuffisances. Ainsi, plus la dépression est détectée tardivement, plus elle sera difficile à guérir. De même, sa sévérité initiale et le nombre d’épisodes dépressifs précédents diminuent les chances de guérison. Enfin, l’étude montre que les généralistes qui traitent, en majorité, des dépressions légères ou modérées, peinent à faire accéder leurs patients à la rémission (à peine 30 % de réussite à un an). Les psychiatres, généralement confrontés aux cas sévères, s’en sortent mieux (près de 40 %).

En réalité, ce qu’Oreon rappelle aussi, c’est à quel point la maladie dépressive est complexe et sa prise en charge, difficile.  » D’origine multifactorielle, elle peut dépendre à la fois de facteurs sociaux, du stress, de la modification du cadre de vie, d’une perte de repères et de stabilité, explique le Pr Ansseau. D’un point de vue psychologique, nous commençons à mieux percevoir l’impact de facteurs liés à la personnalité des patients. Certaines personnes sont plus fragiles, elles ont moins de ressources psychologiques pour s’adapter, des besoins de gratification plus grands, une façon d’être et d’agir qui les handicape. Elles sont moins stables ou, encore, plus sensibles face à la frustration et à l’échec.  »

On sait qu’il existe des risques associés à une persistance des symptômes dépressifs : une rechute ou une récidive est alors plus probable, avec des épisodes dépressifs plus chroniques et une augmentation de leurs fréquences. De surcroît, tant qu’ils sont incapables de fonctionner sur un plan professionnel et relationnel, les malades conservent une qualité de vie médiocre. Enfin, leur mortalité et leur morbidité sont alourdies. En effet, être dépressif, c’est aussi présenter davantage de risques d’accidents vasculaires cérébraux, de diabète, d’infarctus, de maladies cardio-vasculaires, d’insuffisance cardiaque.  » Nous ne pouvons donc pas nous contenter de dire : mon patient va un peu mieux. Parce que cela ne veut pas dire qu’il va bien ! assure le Pr Ansseau. Le but du traitement, c’est bien la guérison.  »

Pour tenter d’y parvenir, les promoteurs d’Oreon proposent aux médecins de retourner sur les bancs de l’école et de participer, via Internet, à un forum de formation interactif entre psychiatres et généralistes. Avec beaucoup de conseils pratiques : reconnaître la dépression, savoir que dire, que faire, que prescrire ou ne pas prescrire, cela s’apprend. Et cela se vérifie : Oreon prévoit de contrôler les résultats obtenus.

 » Les antidépresseurs ne sont pas des médicaments miracles mais, avec l’ensemble des armes dont nous disposons, il est en tout cas possible d’arriver à de meilleurs résultats. Cela passe aussi, par exemple, par une meilleure intensité du suivi des malades « , suggère le Pr Ansseau.  » Je repasse après-demain  » ou  » Fixons un rendez-vous cette semaine encore  » : voilà peut-être ce que les généralistes vont apprendre à dire à leurs patients dépressifs. Ils montreraient ainsi qu’ils engagent une dynamique de soins et de prise en charge plus  » agressive « , en partenariat avec leurs patients.

 » Nous savons que cette maladie ne peut disparaître chez tout le monde, conclut le psychiatre. Néanmoins, Oreon nous rappelle que nous ne pouvons nous contenter d’une amélioration partielle de l’état des dépressifs : elle n’est ni suffisante ni une fin en soi. La preuve ? Certains malades surmontent leur dépression. En général, ils se sont alors remis en cause et ils ont changé des choses dans leur vie. Du coup, leur qualité de vie devient même supérieure à celle d’avant.  » On essaie ?

Pascale Gruber

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