La force d’une femme

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Ours d’or au Festival de Berlin, Le Mariage de Tuya peint le portrait mémorable d’une épouse mongole confrontée à une vie difficile.

La Mongolie figure désormais en bonne place dans le paysage cinématographique international. Les films de Byambasuren Davaa ( L’Histoire du chameau qui pleure et Le Chien jaune de Mongolie) et, plus récemment encore, le Khadak de Peter Brosens et Jessica Woodworth nous ont familiarisés avec les décors naturels superbes, mais aussi avec l’existence souvent rude des habitants de cette vaste région.

Filmé en Mongolie intérieure – donc chinoise -, Le Mariage de Tuya a remporté l’Ours d’or au dernier Festival de Berlin. Wang Quan An y narre les mésaventures d’une jeune femme confrontée à des impératifs économiques urgents, quand son mari blessé dans un accident ne peut plus travailler. Seule solution envisageable dans un contexte aussi difficile : divorcer et trouver un nouvel époux… qui acceptera de prendre en charge ses enfants mais aussi son premier mari ! Comment Tuya tentera d’arriver à ses fins, comment un riche (mais pas très net) businessman voudra devenir l’homme providentiel, comment aussi un jeune prétendant désargenté approchera la jeune femme, le film le raconte avec réalisme. Le portrait de l’héroïne est singulier et mémorable. Yu Nan impose dans ce rôle délicat une force et une présence peu banales. Cette remarquable comédienne s’est déjà fait remarquer non seulement en Chine mais aussi en France (dans Fureur, de Karim Dridi) et à Hollywood, où les frères Wachowski ( Matrix) lui ont confié un rôle important dans leur prochain film, le très attendu Speed Racer. Son portrait d’une survivante déchirée entre ses sentiments profonds et une réalité incontournable est peint de couleurs fortes et justes.

 » Je consacrerai tous mes efforts à décrire les conditions de vie réelles des Chinois, c’est pour cela que je fais du cinéma !  » clame Wang Quan An. Lequel coule le rythme de son film dans celui d’une réalité locale, où les traditions nomades et rurales se retrouvent bousculées par une évolution économique qui les condamne à terme. Le Mariage de Tuya témoigne ainsi des changements survenant dans une société en proie à une modernisation qu’accompagne plus d’un effet déchirant. Le rôle de Bater, le premier mari, infirme, est d’ailleurs tenu par un authentique berger, dénué de toute expérience cinématographique. Plus qu’un détail pour Wang, un réalisateur qui place l’humain au centre de sa démarche, sans pour autant négliger un style qui donne à certaines séquences un impact visuel intense.

Louis Danvers

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