La force du symbole

Pour le géopolitologue Pascal Boniface, l’image de l’ancien président a été déterminante pour la désignation de l’Afrique du Sud comme premier pays africain hôte du Mondial.

Fondateur et directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), l’un des principaux think tanks français, Pascal Boniface est aussi un passionné de football qui, pour lui, est  » le symbole même de la mondialisation « . Il est l’auteur de Football et mondialisation (éd. Armand Colin).

Le Vif/L’Express : Qu’est-ce qui fera de ce Mondial 2010 une réussite ?

Pascal Boniface : C’est qu’il n’y ait pas d’incident en termes de sécurité. Les pires craintes ne sont pas tant par rapport à des attentats mais par rapport à la sécurité au quotidien puisqu’il y a une délinquance très forte en Afrique du Sud. En revanche, il n’y a pas de mouvements politiques armés. On n’est pas du tout dans la même configuration géopolitique qu’en Angola [NDLR : pays hôte de la Coupe d’Afrique des Nations, où une attaque d’indépendantistes de l’enclave de Cabinda contre la délégation de l’équipe du Togo avait fait trois morts le 8 janvier 2010].

Un Mondial réussi pourrait-il renforcer la place de l’Afrique du Sud comme puissance émergente et la position du président Jacob Zuma ?

Il y a un véritable enjeu pour l’Afrique du Sud plus en termes d’image à moyen terme qu’en termes économiques directs. Ces enjeux-là seront à évaluer plus tard par rapport au tourisme ou aux investissements. L’apport financier immédiat d’une Coupe du monde n’est pas si élevé que cela.

Ce qui compte vraiment, c’est que, pour la première fois, un événement sportif mondialisé ait lieu sur le continent africain. C’est un enjeu important pour savoir si, en termes d’infrastructures, d’organisation, de sécurité, l’Afrique peut être au rendez-vous et conforter sa crédibilité au plan international. Le Mondial est quand même l’événement le plus regardé, le plus suivi dans le monde.

Au temps de l’apartheid, le football était plutôt considéré comme  » un sport de Noirs  » par rapport au rugby et au cricket. Cela a-t-il laissé des séquelles ?

Oui, parce que vous ne démantelez pas l’apartheid en une journée, par un décret. C’est sur des générations que les habitudes, y compris sportives, peuvent changer. Cette fracture est encore marquée.

L’Afrique du Sud était-elle un des rares pays africains à pouvoir relever ce défi ?

Elle a une place économique très importante sur le continent : 40 % du PNB de l’Afrique provient de ce pays. Mais d’autres auraient pu y postuler. Le Maroc avait un très bon dossier, peut-être même meilleur techniquement. Ce qui a fait la différence, c’est le poids de Nelson Mandela. Son poids politique et symbolique.

On dit notamment que la candidature sud-africaine s’est jouée sur une visite de Nelson Mandela à Trinidad-et-Tobago, dont le représentant était vice-président de la Fifa et président de la Concacaf (Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes)…

Cela a été capital. Cela a fait pencher la balance en faveur de l’Afrique du Sud. La visite de Mandela à Trinidad a été le moment clé du choix de l’Afrique du Sud. C’est l’homme politique le plus populaire du monde. L’Afrique du Sud réunissait à la fois la garantie économique d’un pays développé et le poids symbolique d’un pays qui a démantelé l’apartheid.

G.P.

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