La faim des mammouths

Une exposition montre comment, incapable de modifier son régime alimentaire, une variété d’eléphants a succombé à un réchauffement climatique

Au temps des mammouths, jusqu’au 10 janvier 2005, au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris.

Le mammouth n’est pas l’ancêtre des éléphants. C’est une variété d’éléphant. Même s’il fait aujourd’hui figure de fossile, il est apparu en même temps que ses cousins d’Afrique et d’Asie. Mais, contrairement à eux, il a succombé, il y a dix mille ans, à un réchauffement climatique. L’exposition Au temps des mammouths, qui s’est ouverte mercredi au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris, nous raconte sa vie et son histoire.

Elle nous plonge vingt mille ans en arrière, pendant la dernière glaciation. A l’époque, l’Eurasie n’est qu’une vaste étendue d’herbe, une steppe où les températures avoisinent û 10 °C. Les mammouths sont adaptés à ce climat, grâce, en particulier, à une superposition de couches isolantes : poils longs de 1 mètre, sous-poils, duvet, peau épaisse et importante couche de graisse. Sans oublier leurs minuscules oreilles, leur queue courte et leur clapet anal, petit couvercle de peau qui protège l’anus du froid.

Plusieurs hypothèses ont tenté d’expliquer l’extinction de ces géants. L’une d’elles évoque une épidémie foudroyante. Mais  » elle ne s’appuie sur aucune preuve et elle n’explique pas pourquoi les autres animaux de la steppe ont aussi disparu « , commente Alain Foucault, paléoclimatologue et commissaire de l’exposition. Une autre théorie met en cause l’homme. Et, à la vue de tous les objets présentés au Muséum, on peut en effet s’interroger. Pour construire une hutte comme celle de Mizyn (Ukraine), reconstituée dans l’exposition, 21 tonnes d’os de mammouth sont nécessaires. Et nombre de statuettes et de bijoux ont été sculptés dans l’ivoire ou dans l’os. Pourtant, ces £uvres d’art, exceptionnellement réunies à Paris, n’ont pas été taillées dans des trophées de chasse. Les matériaux ont le plus souvent été ramassés. Des centaines de milliers de mammouths circulaient alors en Eurasie. Et, à leur mort, leurs carcasses faisaient le bonheur des charognards. De l’homme aussi : un mammouth, c’est 2 tonnes de viande et 100 kilogrammes d’ivoire !

Les parties de chasse n’étaient pas absentes. On pense même qu’elles avaient un rôle culturel et social. Mais elles restaient occasionnelles. Le pachyderme mesurait environ 3 mètres de hauteur et pesait près de 5 tonnes. Or  » les armes préhistoriques n’étaient pas celles d’aujourd’hui, rappelle Pascal Tassy, paléontologue et autre commissaire de l’exposition. Difficile d’imaginer une chasse en masse, type safari « .

Quant à l’idée que les hommes aient pu creuser des fosses pour piéger les mammouths,  » elle est peu crédible ; même avec un marteau piqueur, on a du mal à percer le sol de Sibérie, gelé sur plusieurs mètres « , ajoute Alain Foucault. En plus, la steppe regorgeait d’autres proies, bien plus faciles à chasser : des antilopes, des bisons, etc.

L’homme n’est donc pas responsable de la disparition des mammouths.  » Il leur a peut-être donné le coup de grâce, à la fin. Mais l’espèce était déjà mal en point « , estiment les deux chercheurs. Pour eux, comme pour de nombreux spécialistes, la cause de l’hécatombe réside dans le réchauffement climatique. Cette thèse n’a pas fait l’unanimité tout de suite. Car un problème se posait : les mammouths ont, certes, disparu à la suite d’une élévation de température, mais ils avaient déjà connu deux réchauffements avant celui-ci et n’y avaient pas succombé. En fait, ces animaux ne sont pas morts de chaleur. Ils sont morts parce que le changement climatique a transformé le paysage. Plus que lors des modifications précédentes. Quand les forêts ont remplacé la steppe, les mammouths, conçus pour manger de l’herbe, n’ont pas eu le temps de changer leurs habitudes alimentaires ou de migrer. Le gros de la population a très vite péri. Et le dernier survivant s’est éteint en 1700 avant J.-C.

Emilie Tran Phong

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