La drôle de guerre

Chamberlain et Daladier continuent de réaffirmer que la paix ne se fera pas sur le dos de la Pologne. Mais il n’y a plus de Pologne.

Le 3 septembre à Varsovie, des milliers de Polonais manifestent leur reconnaissance devant les ambassades de Grande-Bretagne et de France. Leurs alliés ont déclaré la guerre à l’envahisseur, le IIIe Reich, mais ils ne bougeront pas. Les Polonais, bien sûr, l’ignorent. Les troupes françaises se contenteront de pénétrer en Sarre en multipliant  » reconnaissances et coups de main « . Avec prudence. Le terrain est miné et les régiments ne disposent pas de matériel de détection. La IVe armée française progresse de 8 kilomètres en territoire ennemi. Dix-huit jours plus tard, face à l’évidence de la défaite de la Pologne, le général Gamelin, commandant en chef des forces françaises, stoppera  » toute action offensive « . Pendant ce temps-là, les cavaliers polonais s’écrasent sabre au clair contre les blindages des panzers, tandis que du ciel les stukas mitraillent tout ce qui bouge et bombardent les villes. L’attaque surprise lancée le 17 septembre sur le front oriental par l’Armée rouge, dans le cadre des clauses secrètes du pacte germano-soviétique, accable un peu plus les Polonais. Le pays est pris en tenaille. Varsovie tombe le 29 septembre. Deux semaines plus tard, les vainqueurs soviétiques et allemands consomment le quatrième partage de la Pologne. A Moscou revient la partie orientale, peuplée de 5 millions de Polonais, de 4 millions d’Ukrainiens et de 1 200 000 Biélorusses. Les Soviétiques ont fait prisonniers 230 000 officiers et soldats.

Au total, 1 million d’individus, toutes classes sociales confondues, de l’ouvrier au grand propriétaire, du paysan à l’officier, seront déportés au goulag. Le Reich ne traite pas mieux les Polonais. Il reçoit un peu moins de la moitié du territoire polonais, où vivent les deux tiers de la population. L’Ouest et le Nord-Ouest (Wartheland) sont annexés au Reich ; le Centre et le Sud, avec Varsovie et Cracovie, sont placés dans le Gouvernement général, sous l’autorité du gauleiter Hans Frank. Le territoire allemand est à nouveau d’un seul tenant jusqu’à la Prusse-Orientale. Les territoires  » slaves  » annexés sont destinés à l’  » aryanisation  » immédiate. Les élites polonaises sont liquidées par les commandos de la police allemande, les Einsatzgruppen, ou déportées, dans le territoire du Gouvernement général et dans des camps de concentration. Le reste de la population servira de main-d’£uvre corvéable à merci. Les persécutions contre les juifs débutent. Avant le lancement de la politique systématique d’extermination, en 1942, 100 000 d’entre eux sont abattus.

dés£uvrement

A l’ouest, le déni est devenu une règle de vie. La France s’installe dans la non-guerre, la drôle de guerre, un intermède de huit mois, brisé par l’offensive allemande sur les Pays-Bas, la Belgique, la France, lancée le 10 mai. Daladier et Chamberlain continuent de réaffirmer leurs engagements en octobre : la paix ne se fera pas sur le dos de la Pologne. Mais il n’y a plus de Pologne. Les Français, étrangement, gardent le moral, ils sont même remontés. Pacifistes en 1938, ils sont, un an plus tard, prêts à en découdre. Les appelés de 1939 n’ont qu’une référence en tête, 14-18, la  » der des der « .

Au fil des mois, ces dizaines de milliers de soldats sombrent dans le dés£uvrement. Ils trompent l’ennui en participant aux travaux agricoles ; ils aident aux récoltes, poussent la charrue. Daladier leur fait distribuer 10 000 ballons de football. Pendant l’hiver 1939-1940, l’un des plus rudes de ces années-là, rien ne se passe.

UN NOUVEAU FRONT : LA FINLANDE

Son offre de paix factice – la  » paix blanche  » – rejetée, Hitler donne l’ordre à son état-major d’élaborer une offensive à l’ouest, contre la Belgique, les Pays-Bas, la France. Le plan Manstein, du nom du général allemand qui l’a conçu, prévoit une percée à travers la forêt de l’Ardenne, à la limite ouest de la ligne Maginot, puis un contournement – un coup de faucille – jusqu’à la Somme. Hitler a programmé le début des opérations pour le 12 novembre. La météo est exécrable. L’invasion attendra jusqu’au printemps. L’état-major français se prépare à une bataille dans les plaines belges. Il s’en tient à la  » stratégie défensive  » matérialisée par la ligne Maginot. L’hécatombe de la Première Guerre mondiale justifie ce parti pris. Ne pas attaquer, c’est épargner le sang des soldats. D’autant, croit-il à tort, que la puissance de feu des Allemands est supérieure. La véritable faiblesse de la France, c’est d’avoir négligé l’usage autonome qu’on pouvait faire des blindés.

Le grand événement de la drôle de guerre, c’est la guerre de Finlande. Le 30 novembre, Staline attaque son voisin après deux mois de pseudo-négociations sur une modification du tracé de la frontière. Il s’attend à un succès comparable à celui des Allemands en Pologne. Vaincue au nord, l’Armée rouge met des mois à réussir une percée dans l’isthme de Carélie. A la fin de l’année 1939, la faiblesse militaire de l’URSS est un secret de Polichinelle. A l’ouest, l’opinion s’enflamme pour ce petit pays héroïque, ses troupes à skis encadrant des cortèges de prisonniers russes.

Jusqu’au 10 mai 1940, à l’ouest du Rhin, on n’a d’yeux que pour le nord. La route des Ardennes est libre.

À LIRE

La Crise des années 30 (1929-1938),

par Dominique Borne et Henri Dubief, Seuil.

Le Troisième Reich, 1933-1939,

par Richard J. Evans, Flammarion.

Journal, 1933-1945,

par Victor Klemperer, Seuil.

De Munich à la Libération,

par Jean-Pierre Azéma, Points Seuil.

E. H.

le territoire allemand est à nouveau d’un seul tenant jusqu’à la prusse

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