La DHEA contre l’hypertension

D’après une étude sur l’animal, cette hormone pourrait soigner l’excès de tension des artères pulmonaires

Est-ce l’effet de la DHEA ? A 76 ans passés, le Pr Etienne-Emile Baulieu n’a rien perdu ni de sa fougue ni de sa curiosité. Le célèbre endocrinologue français, qui avoue prendre chaque jour 25 mg de déhydroépiandrostérone (le nom savant de cette substance), brandit l’étude de deux jeunes chercheurs bordelais, Sébastien Bonnet et Eric Dumas-de-la-Roque. Elle sera bientôt publiée dans les prestigieux Proceedings of the National Academy of Sciences.

 » Jamais je n’ai vu un article scientifique accepté aussi rapidement par un comité de lecture, précise-t-il. Ces travaux ouvrent une piste extraordinaire. Ils révèlent une propriété de la prastérone (autre appellation de la DHEA) qui pourrait permettre de traiter l’hypertension artérielle pulmonaire.  » Certes, les expériences n’ont été menées jusqu’à présent que sur des rats. Mais des essais cliniques vont être conduits chez l’homme au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Cette découverte relance l’intérêt pour une molécule, naguère présentée comme la  » fontaine de jouvence « , capable de réparer les outrages des ans, mais très décriée ces deux dernières années.

Les chercheurs du laboratoire de physiologie de l’université Bordeaux II ont choisi d’évaluer les effets de la DHEA sur l’hypertension artérielle pulmonaire, une pathologie très répandue chez les gros fumeurs. Le rétrécissement des bronches provoque des difficultés respiratoires qui, à leur tour, peuvent entraîner une augmentation excessive de la pression artérielle. Le risque est mortel.

Dans leurs expériences, ils ont reproduit le processus en faisant respirer à des rats de l’air pauvre en oxygène. Les animaux qui avaient reçu une dose de DHEA ne développaient pas d’hypertension. Ceux qui avaient été exposés sans précaution étaient en partie guéris après injection de cette substance. Comment agit-elle ? D’après les chercheurs, la DHEA module certains canaux ioniques, ces minuscules interrupteurs qui contrôlent les signaux électriques dans le corps.

Cette découverte offrirait de nouvelles perspectives pour soigner l’hypertension artérielle pulmonaire, mais aussi pour comprendre le mode d’action de la DHEA. Pour la première fois, des travaux montrent qu’elle intervient dans une pathologie précise. Comme les canaux ioniques sont impliqués dans une multitude de fonctions de l’organisme, il n’est pas impossible que la DHEA agisse ainsi sur une grande variété de cellules, pas seulement cardio-vasculaires, mais aussi nerveuses ou musculaires. Reste à en apporter la preuve scientifique !

L’histoire de la prastérone est ancienne. Mais les chercheurs sont encore loin d’avoir percé tous ses mystères. Quantitativement, cette hormone naturelle est la plus importante du corps humain. On doit au Pr Baulieu d’avoir montré, en 1960, que la molécule était sécrétée par les glandes surrénales, situées au-dessus des reins. Autre certitude : le taux de DHEA est un marqueur biologique de l’âge. Jusqu’à 7-8 ans, les enfants n’en ont pratiquement pas. La concentration atteint un pic entre 25 et 30 ans et décline progressivement. A 80 ans, elle ne représente plus que de 10 à 20 % de son niveau maximal. La présence de prastérone est plus forte chez l’homme que chez la femme.

Y a-t-il un intérêt thérapeutique à compenser ce déficit croissant par l’ingestion de gélules de DHEA synthétique ?

D’après l’étude française DHEAge, chez les femmes de plus de 70 ans, la DHEA améliore le métabolisme osseux, la qualité de leur peau et la libido. Et cette molécule n’est pas dangereuse : il n’y a eu ni accident ni accumulation excessive d’hormones chez ceux, hommes ou femmes, qui en prennent.

 » Les bienfaits d’une prise de DHEA ne sont pas toujours quantifiables objectivement, observe le Dr Christophe de Jaeger, médecin gériatre. Nos patients ressentent une amélioration générale et une multitude de petits effets positifs. Certains ne font plus de bronchite, d’autres ne connaissent plus de problèmes d’articula- tions.  »

Des études complémentaires doivent cependant être entreprises afin d’examiner les effets de la DHEA chez l’homme. L’obstacle pour les réaliser tient aux difficultés de financement.  » C’est une molécule naturelle, donc non brevetable. Il est en conséquence impossible de faire prendre en charge les travaux par un laboratoire pharmaceutique « , souligne le Pr Baulieu. Afin de poursuivre ses recherches, il devra donc trouver des  » mécènes « . En attendant, l’un des découvreurs bordelais va bientôt s’exiler au Canada.

Jean-Marc Biais

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